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mercredi, 13 avril 2016

Schengen, libre circulation des europhobes et des populistes

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La leçon néerlandaise est terrible: il existe désormais une union des Européens en pleine expansion, celle des farouches adversaires de Bruxelles. Leur nouvelle Internationale: "Europhobes de tous les pays, unissez-vous!"

Tout visiteur des Pays-Bas ne peut qu'être frappé par l'esprit d'ouverture de ce pays où il est bien rare de croiser un citoyen qui ne soit bilingue ou trilingue. A maints égards, les Pays-Bas sont un laboratoire, en matière de moeurs comme par leur dynamisme commercial, si bien qu'on a pris, à tort, l'habitude de les considérer comme une contrée sans histoires. C'est oublier que cette terre a abrité plusieurs mouvements de fond contestataires: les eurocrates y ont rencontré leur premier point de résistance (le traité de Maastricht, adopté en 1992, après avoir été très contesté) et les jeunes théoriciens actuels de la déconstruction européenne y ont fait souche (comme Thierry Baudet).  

Les Pays-Bas, cible des europhobes

Depuis 2005 et le non au référendum sur la Constitution européenne, suivi de près par le non français au même projet, le peuple le plus europhile du continent s'est transformé en pays cible des europhobes. Il est devenu leur modèle le mercredi 6 avril 2016, jour où le peuple néerlandais a rejeté catégoriquement, grâce à une procédure nouvelle d'initiative populaire, l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine.  

Il existe certes un contexte particulier: en juillet 2014, un Boeing du vol MH - 17 de Malaysia Airlines était abattu au-dessus de l'Ukraine, provoquant la mort de 298 personnes, dont une très forte proportion de ressortissants des Pays-Bas. Même si l'enquête a démontré que le missile fatal provenait d'une zone tenue par les séparatistes prorusses, rien ne prouve formellement qu'il n'a pas été tiré par l'armée ukrainienne. A travers le vote néerlandais, quelque part, Vladimir Poutine, l'ami des populistes occidentaux, a écrasé Porochenko... Mais il existe d'autres facteurs, bien moins spécifiques, qui doivent faire méditer toutes les nations de l'Union dans la perspective d'un éventuel "Brexit" - et bien plus loin encore. 

Juste avant le vote, la venue aux Pays-Bas de Nigel Farage, leader du Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (Ukip), a fait le lien en recommandant aux Néerlandais de refuser l'élargissement de l'UE en direction d'un pays pauvre, et en guerre, de 44 millions d'habitants, soit une masse gigantesque de travailleurs à bas coûts et de migrants potentiels. Avant même la tenue du référendum, ce dernier s'est exclamé: "Votre vote est le hors-d'oeuvre, notre vote est le plat principal."  

Sentiment anti-européen, dégoût des élites...

La défaite du gouvernement néerlandais, qui a fait mollement campagne pour le oui, est perçue comme une anticipation de celle qui attend David Cameron; car le peuple néerlandais est instinctivement et historiquement très proche du Royaume-Uni. Mais la leçon néerlandaise est terrible au-delà de cette considération. D'une part, en soutenant l'élargissement de l'Europe, le gouvernement de La Haye a mobilisé contre lui une pléthore de groupuscules qui ont transformé le référendum en vote sanction. D'autre part, il existe désormais une union des Européens en pleine expansion, celle des farouches adversaires de Bruxelles. Leur nouvelle Internationale: "Europhobes de tous les pays, unissez-vous!"  

Le Schengen des populistes fonctionne à merveille; ils circulent sans barrières et profitent de toutes les libertés créées par l'Union européenne. Les droites dures nationales mixent avec tout l'art de l'amalgame le sentiment anti-européen, le dégoût des élites et le rejet des gouvernements en place. 

Ce cocktail redoutable semble destiné en premier lieu à la France, dont le poids en Europe paraît de plus en plus relatif et dont le chef d'Etat, europhile déclaré, a dépassé les records d'impopularité. Ce n'est pas par hasard qu'un diplomate étranger se risquait récemment à cette boutade: "Avec Hollande, la France est devenue un pays bas."

Christian Makarian

Source : L'Express

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