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vendredi, 29 avril 2016

Des imams suisses pour éviter la radicalisation

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La Turquie est sous les feux de la critique parce qu’elle envoie et paie des imams en Suisse. Une filière helvétique de formation des imams réduirait-elle les risques de radicalisation des musulmans sous l’influence d’Etats étrangers? Entretien avec Serdar Kurnaz, directeur du Centre Islam et société de l’Université de Fribourg.

Serdar Kurnaz a des orgines turques, mais il est né et a grandi en Allemagne. Avant d’arriver en Suisse, il était imam et a étudié les sciences des religions et la pédagogie à l’Université de Francfort.

swissinfo.ch: Comment devient-on imam en Suisse?

S.K.: Il n’existe pas de formation en Suisse, du moins pas de programme reconnu par l’Etat. La plupart des personnes se rendent à l’étranger pour se former, ou alors ce sont des imams de l’étranger qui sont employés en Suisse.  

swissinfo.ch: Concrètement, cela signifie que tous les imams actifs en Suisse sont étrangers ou ont été formés à l’étranger?

S.K.: Oui, il n’y pas d’autres options. Parfois, il peut arriver que les jeunes suivent une sorte d’«apprentissage par la pratique», et qu’ils soient ensuite reconnus comme imam par une association. Ce sont toutefois des cas très rares.

swissinfo.ch: La voie à suivre pour devenir imam en Suisse est donc très informelle?

S.K.: Dans ce cas, oui. Toutefois, cela dépend aussi des associations. Certaines ont aussi des liens avec le gouvernement suisse. Par exemple, le Diyanet (le Ministère turc des Affaires religieuses, ndlr) a conclu un accord avec la Suisse pour que des imams turcs puissent venir exercer. Ils doivent répondre à certaines conditions, par exemple en ce qui concerne la connaissance de la langue. Le Diyanet est une institution étatique de la Turquie. Il possède des succursales à l’étranger, comme la fondation Diyanet en Suisse. Les mosquées de la fondation s’engagent à employer les imams payés par le Diyanet. Cela se fait en accord avec la Confédération et les autorités cantonales.

swissinfo.ch: La majorité des imams actifs en Suisse est donc formée en Turquie?

S.K.: Absolument pas. Il y a aussi des imams qui viennent d’Albanie, du Kosovo, de Macédoine, d’Arabie saoudite, de Tunisie ou du Maroc. Cela dépend de la composition ethnique de la communauté ou de l’association. La langue joue aussi un rôle. Par exemple, un imam prêchera en français et en arabe à la mosquée Diyanet de Fribourg. Les mosquées ont différentes manières de recruter leurs imams.

swissinfo.ch: Le lieu où un imam a été formé est-il vraiment important?

S.K.: Pas d’un point de vue théologique, mais il ne peut pas faire abstraction de l’empreinte culturelle de sa communauté de fidèles. Un imam arabe aura beaucoup plus de difficultés à évoluer dans une mosquée turque que dans une mosquée tunisienne. Il y a aussi un problème de langue: s’il parle uniquement arabe et pas allemand ou turc, il sera confronté à une barrière linguistique en Suisse alémanique. Ainsi, la plupart des communautés optent pour un imam qui vient d’un environnement similaire à celui des fidèles. La prière et le contenu du sermon sont toutefois souvent les mêmes.

swissinfo.ch: N’est-il pas problématique que des imams soient formés ou financés par d’autres pays?

S.K.: A certains égards, oui. Dans de nombreux cas, les imams venus de l'étranger ont de grandes difficultés à s’adapter à la vie suisse. Ils ont du mal à comprendre comment les musulmans vivent dans notre pays et quels sont leurs problèmes. Il peut leur arriver de parler de choses que les gens ne comprennent pas, notamment lorsqu’ils abordent des thèmes qui concernent les musulmans turcs ou tunisiens mais qui ne touchent pas les musulmans d’ici. C’est particulièrement problématique pour les jeunes qui sont encore plus éloignés du contexte de leur pays d’origine. Ainsi, il serait hautement souhaitable de disposer de possibilités de formation en Suisse. Evidemment, il reste encore beaucoup de points à clarifier, notamment la question de savoir qui met en place la formation et qui la finance.

Je crois, cependant, que le problème concerne moins les soi-disant prédicateurs haineux. Ce sont plutôt des cas isolés. De plus, la radicalisation a peu avoir avec le fait que des formations soient financées par des fonds étrangers. Dans la plupart des cas, il s’agit de fondations qui investissent de l’argent mais qui ne s’occupent pas du contenu du prêche.

swissinfo.ch: Quels efforts ont-ils été entrepris en Suisse pour la formation des imams et pourquoi ont-ils échoué?

S.K.: Il y a eu des discussions pour former des imams dans les universités. A ce propos, notre centre a aussi été évoqué. Nous ne formons toutefois pas d’imams, nous proposons des formations continues, et notre public cible comprend bien sûr des imams.

En Suisse, les imams s’occupent aussi d’assistance spirituelle. Une tâche qui n’est pas comprise dans les programmes de formation des pays arabes ou de la Turquie. Les imams pourraient approfondir cet aspect dans le cadre universitaire. Cependant, l’Université est à mon avis le mauvais endroit pour former les imams. Les associations sont mieux adaptées. Chez les chrétiens non plus, la formation ne se déroule pas uniquement à l’Université. 

swissinfo.ch: N’est-il pas problématique que des imams soient formés ou financés par d’autres pays?

S.K.: A certains égards, oui. Dans de nombreux cas, les imams venus de l'étranger ont de grandes difficultés à s’adapter à la vie suisse. Ils ont du mal à comprendre comment les musulmans vivent dans notre pays et quels sont leurs problèmes. Il peut leur arriver de parler de choses que les gens ne comprennent pas, notamment lorsqu’ils abordent des thèmes qui concernent les musulmans turcs ou tunisiens mais qui ne touchent pas les musulmans d’ici. C’est particulièrement problématique pour les jeunes qui sont encore plus éloignés du contexte de leur pays d’origine. Ainsi, il serait hautement souhaitable de disposer de possibilités de formation en Suisse. Evidemment, il reste encore beaucoup de points à clarifier, notamment la question de savoir qui met en place la formation et qui la finance.

Je crois, cependant, que le problème concerne moins les soi-disant prédicateurs haineux. Ce sont plutôt des cas isolés. De plus, la radicalisation a peu avoir avec le fait que des formations soient financées par des fonds étrangers. Dans la plupart des cas, il s’agit de fondations qui investissent de l’argent mais qui ne s’occupent pas du contenu du prêche.

swissinfo.ch: Quels efforts ont-ils été entrepris en Suisse pour la formation des imams et pourquoi ont-ils échoué?

S.K.: Il y a eu des discussions pour former des imams dans les universités. A ce propos, notre centre a aussi été évoqué. Nous ne formons toutefois pas d’imams, nous proposons des formations continues, et notre public cible comprend bien sûr des imams.

En Suisse, les imams s’occupent aussi d’assistance spirituelle. Une tâche qui n’est pas comprise dans les programmes de formation des pays arabes ou de la Turquie. Les imams pourraient approfondir cet aspect dans le cadre universitaire. Cependant, l’Université est à mon avis le mauvais endroit pour former les imams. Les associations sont mieux adaptées. Chez les chrétiens non plus, la formation ne se déroule pas uniquement à l’Université.

swissinfo.ch: Quelle est la différence entre un imam et un prêtre catholique ou un pasteur protestant? Quelles sont ses tâches?

S.K.: Il y a plusieurs similitudes. L’imam a des devoirs pastoraux, dirige la prière et est la personne de référence pour toutes les questions religieuses. En Europe en particulier, l’imam est un personnage qui assume de nombreuses fonctions. J’ai parfois l’impression qu’il est considéré comme un Supermann. Parfois, il est psychologue ou théologien. Il doit parfois jouer les savants ou être un organisateur, notamment de pèlerinages. Le rôle des imams en Suisse doit être redéfini. Les imams ne peuvent pas continuer à être surchargés de la sorte.

swissinfo.ch: Y a-t-il des voix qui s’élèvent contre la formation des imams en Suisse?

S.K.: Oui, il y a eu beaucoup de critiques à propos de la formation d’imams en Suisse. L’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice) a utilisé cela pour protester contre notre centre, même si nous ne formons pas d’imam. Je ne comprends pas ce scepticisme. La formation des imams en Suisse ou en Allemagne pourrait empêcher la radicalisation et rendre le financement plus transparent. Les imams pourraient étudier en Allemagne et suivre des formations continues en Suisse. En outre, il est du devoir des associations d’approfondir la formation pratique de leurs imams. Ce serait une contribution à la lutte contre la radicalisation et la coexistence constructive. 

(Traduction de l'allemand: Katy Romy)

Sibilla Bondolfi

Source : Swissinfo

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