vendredi, 29 avril 2016
Salah Abdelslam : la connerie est-elle une circonstance atténuante ?
« C’est un petit con de Molenbeek issu de la petite criminalité, plutôt un suiveur qu’un meneur. Il a l’intelligence d’un cendrier vide, il est d’une abyssale vacuité. »
Ces propos ne sont pas ceux d’un client du Café du Commerce, mais de Sven Mary, avocat de Salah Abdeslam. Enfin, ex-avocat, puisque le terroriste a été transféré en France où il devrait être défendu par un confrère parisien. Pour être imagée – on connaissait « con comme un balai, comme une valise sans poignée, à bouffer du foin » et autres variations -, l’expression ne manque pas de surprendre, s’agissant d’un avocat à l’égard d’un client qui mérite a minima la perpétuité.
Tout avocat a un jour pensé que certains de ses clients en étaient… D’ailleurs, c’est sans doute la connerie humaine qui légitime en partie l’existence d’une institution judiciaire. Mais entre le penser in petto et le clamer devant les journalistes, il existe une différence notable. Alors, pourquoi un ténor du barreau tient-il de tels propos ?
Certains y voient une stratégie de défense. Pourquoi pas ? Faire passer son client pour un imbécile peut, en effet, constituer une manière d’atténuer sa responsabilité, un peu comme s’il avait commencé à descendre l’échelle de la folie qui, elle, peut entraîner une décision d’irresponsabilité pénale, assortie d’une hospitalisation en milieu spécialisé. Mais ce qui fonctionne pour un pauvre abruti accusé d’agressions sexuelles ou de violences conjugales n’est pas transposable au cas Abdeslam. Pour une raison qui tient en un mot : décence.
Abdeslam a participé activement à l’organisation et à l’exécution méthodique d’un massacre. Lui et ses complices ont délibérément entrepris de tuer plus de 130 personnes. Ils l’ont fait au nom d’une idéologie meurtrière qui légitime le meurtre, l’assassinat, la torture, la relégation en esclavage, sans états d’âme, sans pitié, sans distinction entre le combattant et le civil, entre l’homme et l’enfant, entre le jeune et le vieillard. Ils ont invoqué le nom du Prophète pour justifier leurs crimes et se sont – pour certains d’entre eux – fait exploser avec la certitude qu’ils gagnaient ainsi le paradis d’Allah.
Certes, il existe une forme de bêtise abyssale, une « abyssale vacuité », comme le dit Sven Mary, à se laisser entraîner à une telle extrémité. Cela ne fait pas de ces gens des « cons » qu’on pourrait presque, à bien y réfléchir, déclarer innocents. Les criminels communistes ou nazis n’étaient pas des imbéciles. Certains, même – à commencer par Lénine -, étaient d’authentiques intelligences. Hitler lui-même, tout vulgaire et inculte qu’il fût, possédait une intelligence des situations qui le rendait capable de fulgurances quasiment géniales, effrayant les gens raisonnables de son entourage, mais parfois couronnées de succès éclatants. Cela n’en a jamais fait un innocent des crimes abominables commis en son nom ou sous ses ordres. Celui qui oserait plaider cela serait sans doute voué à la vindicte publique.
Défendre un homme, quels que soient les crimes qu’il a commis, est une noble tâche qui mérite le respect. Mais pas au prix de n’importe quels arguments. Certains sont indécents. Par respect pour les victimes, l’avocat de la défense sait ne pas franchir certaines bornes. Manifestement, certains d’entre eux n’en ont cure. Sven Mary, par exemple.
François Teutsch
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