dimanche, 08 mai 2016
Quand l'islam bouleverse la gauche
La question de l'islam fracture la gauche, au point d'inverser des identités politiques. Certains de ceux qui s'en réclament ne veulent pas critiquer cette religion, au prétexte qu'elle serait celle de masses exploitées par l'Occident. C'est oublier le contenu doctrinal du Coran, dont l'essentiel est inacceptable et qui nourrit l'aliénation de ceux qui y adhèrent et ne pas être de gauche.
Le Monde a parfaitement eu raison de souligner que la question de l'islam, forme particulièrement violente de la question religieuse aujourd'hui, est en train de fracturer la gauche et d'inverser certaines identités politiques. En particulier, des esprits que l'on croyait à gauche, partisans de l'universalisme des Lumières qui fait abstraction de l'identité ethnique au profit de celle de citoyen, hostiles à l'oppression de l'homme sur la femme, favorables inconditionnellement à l'esprit critque s'exerçant au moyen de la raison, sont en train de bafouer tout cela en étant complaisants à l'égard de l'islam et ne sauraient donc se dire "de gauche" selon moi, qu'ils soient socialites ou communistes revendiqués - et je précise que je suis pleinement de conviction communiste et fidèle à cette identité en m'exprimant comme je le fais ici.
Quelles sont donc les manifestattions de ce retournement ahurissant et quels en sont les motifs? Quelques éléments factuels, d'abord. On a vu l'écrivain algérien Daoud se faire insulter parce qu'il avait osé, suite aux violences de Cologne, aborder le thème de "la misère sexuelle dans le monde arbo-musulman" et parler de son "rapport malade à la femme". Il aurait pu ajouter: "son rapport insupportable à l'homosexualité" car il faut savoir que les termes qui la qualifient sont particulièrement violents et dégradants chez ses théoriciens. Une poignée d'universitaires lui est tombée dessus d'une manière indigne, provoquant son renoncement au journalisme, et un sociologue qui se prétend de gauche, E. Fassin, s'est permis de signaler que les musulmans de Cologne s'en étaient pris à des "femmes blanches" et non à des "prostituées"(sic), ce qui traduirait bien "la finalité politique" de cette violence et lui donnerait "du sens" (Le Mondes des idées, p. 12). Comme si la violence, surtout dans cas, avait du sens! Cette remarque est moralement scandaleuse! De même, il aura suffi qu'E; Badinter dénonce le chantage à l'islamophobie, tout en l'assumant courageusement, pour qu'on soit tout près de la traiter de raciste. Or il faut dénoncer ce chantage accusateur et y voir, avec G. Kepel, un moyen de disqualifier celui qui parle et d'"interdire le débat". Deux points, ici: 1 Le terme d'islamophobie est maladroit puisqu'il comporte l'idée d'une attitude "phobique", donc irrationnelle et maladive, alors qu'il s'agit tout simplement d'une opposition sytématique mais raisonnée à l'islam, à ses fondements doctrinaux et aux violences qu'ils justifient chez les islamistes (comme il y a eu dans le christianisme d'Eglise, dans le passé, une justification de la guerre aux infidèles). Ainsi compris et rectifié le sens de ce terme, on a parfaitement le droit d'être "islamophobe", comme d'être "judéophobe" ou "christianophobe", dès lors que l'on pense que les religions positives font du mal aux êtres humains ... comme tous les grands penseurs du passé, philosophes des Lumières ou théoriciens du 19ème siécle (Feuerbach, Marx, Nietzsche et, plus tard, Freud) l'ont vigoureusement soutenu. Et l'on peut même ajouter, avec Marcel Conche, le plus grand philosophe français vivant, que toute religion est "une aliénation de la raison", qu'il n'y a rien à retenir du Coran et qu'il faut donc s'y opposer intellectuellement. 2 Là oû cela ne va plus du tout et où surgit la malhonnêteté, c'est quand on glisse de cette opposition raisonnée à des croyances et des pratiques insupportables à l'idée qu'il s'agirait d'un racisme voilé (si j'ose dire). Or cela est rigoureusemen faux, et je peux en témoigner personnelement : je suis fondamentalement anti-raciste. Ce glissement dans l'accusation est malheureusement fréquent et commode: c'est ainsi que l'on ne peut se déclarer anti-sionniste sans être qualifié d'antisémite ou se dire hostile à l'islam sans être accusé de verser dans un racisme anti-arabe: absurde dans les deux cas!
Je m'arrête là, mais j'aurais aimé développer davantage les formes multiples de cette complaisance a-critique à l'égard de l'islam. Quelques exemples, cependant.. L'apologie du différentialisme, quel qu'il soit, pour justifier des pratiques religieuses qui entravent la laîcité ou portent atteinte à la dignité humaine - le cultuel devenant du culturel qu'il faudrait à tout prix respecter! A quand la justificatin de l'excision? Ou encore la cécité devant des formes religieuses contraires aux droits humains, comme le satut de la femme dominée par l'homme dans l'islam, conformément à ce qu'en dit le Coran ( la Bible affirme aussi l'infériorité de la femme, mais sous une forme moindre, et ce n'est pas une excuse! ) ou le port du voile dont certaines féministes en plein délire nient qu'il résulte d'une contrainte ou d'une aliénation et qu'il en soit le signe fort! Ou encore, cette détestable habitude de débattre en public avec des partisans de l'islam, prosélytes et habiles comme Tarik Ramadan, proche de toute évidence de l'islamisme radical quand il refuse de condamner Daech ou la pratique de la lapidation! Comment Clémentine Autain, du Front de gauche, peut-elle se justifier de l'avoir invité à un débat avec elle? Narcissisme? Goût de la provocation? Politique de l'égo? Passage sur ce point à droite? Qu'elle s'en explique donc avec les féministes des pays du Magheb qui se battent pour leur émancipation hors d'une religion machiste!
J'aborde donc le second point: pourquoi tout cela, à gauche j'entends, car le rejet de l'islam à l'extrême-droite ne repose absolument pas sur la même base progressiste? La première explication tient au refus de trouver dans le Coran lui-même (comme dans d'autres textes religieux du passé pour leurs violences potentielles respectives) un fondement doctrinal à ses débordements guerriers, comme s'il y avait un islam doux et pacifique, authentique lui, et un islam violent qui en serait une trahison ou une exagération. Cette affirmation, répandue scandaleusement par les médias, est théoriquement inexacte, sans la moindre justification. Je ne vais pas en faire à nouveau la démonstration ici et on la trouvera développée dans mon prochain livre. Disons seulement que toute religion du Livre (d'un Livre) repose sur un corps de doctrine tiré de ce Livre et qu'elle y trouve la légitimation de ses pratiques de tous ordres, y compris politiques. Et que la doctrine coranique est spécialement belliqueuse, animée par une haine de l'infidèle, de l'incrédule ou de l'athée, qu'elle voue à la mort. C'est noir sur blanc dans le texte, ce qui a entraîné Adonis, le grand poète d'origine syrienne et de cultue musulmane, devenu athée, à rejeter en bloc le Coran (voir Violence et islam, au Seuil) et le regretté Meddeb à avoir une position plus nuancée de réforme de l'islam, consistant à en éliminer cependant la moitié, tout en proférant ce propos essentiel: "L'islamisme est une maladie de l'islam (peut-être - Y. Q.), mais les germes sont dans le texte". Ceux qui nient ce propos n'ont pas lu le Coran, ou alors avec des oeillières.
La deuxième explication est tout aussi grave et relève de la politique: c'est cette dérive naïve et irresponsable que constitue "l'islamo-gauchisme". Elle consiste, à gauche et spécialement à l'extrême-gauche (toutes tendances confondues), à mettre au premier plan la situation d'exploitées et de dominées des masses arabes influencées par l'islam, ce qui est, bien entendu, important comme cause des violences actuelles de l'islamisme. Je ne développe pas ce point, mais je le prends totalement en considération. Cependant, à partir de là, on prétend en quelque sorte excuser ou en tout cas banaliser les croyances ou idées qui animent la conscience de ces masses et de leurs leaders extrêmistes, comme si leur valeur intrinsèque ne posait pas problème et comme si elles n'étaient que le reflet passif de leur situation objective, sans effet actif et, en l'occurrence rétrograde, sur le réel. Et comme on est dans un milieu vaguement marxiste (je dis bien "vaguement"), on fait appel à Marx pour justifier cette attitude en centrant la critique sur la "détresse réelle" qui engendre ces idées (et comportements) et en excluant de s'en prendre à ces idées et à leur efficacité propre - ce qu'on appele l'idéologie. En réalité, cela revient à trahir ce Marx dont on se réclame. C'est lui qui a poutant affirmé que "la critique de la religion est la condition préliminaire de toute critique" (Introduction à la Critique de la philosophie du droit de Hegel) parce que cette critique nous permet de dépasser les illusions religieuses qui masquent ou justifient cette "détresse réelle" et donc l'entretiennent. Et c'est ce même Marx qui, à la fin de sa vie (Critique du programme de Gotha), affirmait vigoureusement qu'il ne suffisait pas, d'un point de vue communsite, de garantir la liberté de la religion (ce qui était évident pour lui) mais de "libérer les consciences de la fantasmagorie religieuse". Propos que tout progressiste peut et doit reprendre à son compte: la religion, ici l'islam, n'est pas seuelement un effet de l'aliénation socio-économique et politique, elle est aussi, hélas, une cause d'aliénation. C'est en cela qu'il faut combatrre l'islam sur son terrain: celui des idées, par une lutte idéologique ou culturelle pacifique mais intransigeante. On ne saurait tolérer l'intolérable ou l'intolérance qu'il contient, dans une socité civilisée! Ce faisant, on réconciliera la gauche avec elle-même et avec ses idéaux émancipateurs.
Yvon Quiniou. A paraître: Pour une approche critique de l'islam, chez H§O.
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