jeudi, 09 juin 2016
Athènes proteste contre la lecture du Coran dans l'ex-basilique de Sainte-Sophie
La diffusion tout au long du mois de Ramadan d'une émission religieuse dans le musée de Sainte-Sophie, une ancienne basilique, a provoqué la colère d'Athènes. Ankara a fait part de son bon droit et a appelé la Grèce à se focaliser d'abord sur la liberté religieuse de sa minorité turcophone.
Le Diyanet, la Direction des affaires religieuses de Turquie, la plus haute autorité sunnite du pays, a reçu une autorisation exceptionnelle du ministère de la Culture pour diffuser sur la chaîne publique TRT une émission religieuse tout au long du mois de Ramadan dans le musée de Sainte-Sophie.
C'est donc la seconde fois que le Coran sera psalmodié dans cette ancienne basilique orthodoxe transformée en mosquée par le sultan Mehmed II en 1453 puis en musée par Mustafa Kemal Atatürk en 1934. L'an dernier, l'inauguration d'une exposition sur le Prophète avait débuté par la lecture du livre sacré, une pratique qui n'avait plus cours depuis 85 ans.
Athènes dénonce un manque de respect, Ankara rappelle la condition des musulmans en Grèce
«C'est un lieu d'instruction pour nombre de savants, de lettrés, de grands hommes. Je prie pour qu'Allah étende sa miséricorde à tous nos aînés qui, de la victoire manifeste [la conquête de 1453 dite «feth-i mubin» car annoncée par le Prophète, ndlr] jusqu'au début de ce siècle, se sont prosternés devant le Miséricordieux», adéclaré Mehmet Görmez, le président du Diyanet, lors de l'émission inaugurale.
L'initiative a eu l'heur de déplaire à Athènes qui a dénoncé une «attitude anachronique» et des «obsessions, confinant à la bigotrie, avec des rituels musulmans dans un monument faisant partie de l'héritage culturel mondial qui sont incompréhensibles et qui révèlent un manque de respect pour la réalité».
Le parti grec d'opposition conservateur Nouvelle Démocratie, au pouvoir jusqu'en janvier 2015, a dénoncé une «provocation» et «un manque de respect envers les chrétiens orthodoxes qui se trouvent dans les quatre coins du monde».
Mercredi 8 juin, Ankara a réagi par le biais du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Tanju Bilgiç. «Nous appelons à la raison la Grèce qui n'autorise toujours pas la construction d'une mosquée dans sa capitale, qui s'immisce sans arrêt dans la liberté religieuse de la minorité turque de Thrace occidentale et qui confond l'islamophobie avec la modernité», a-t-il déclaré.
Des polémiques en cascade
En 1967, le pape Paul VI, en visite en Turquie, s’était agenouillé pour une courte prière, un geste considéré comme un affront par les autorités turques de l’époque.
En mars 2014, devant les rumeurs qui couraient sur une annonce imminente de la réouverture du musée de Sainte-Sophie en mosquée, le patriarche orthodoxe de Constantinople, Bartholomée, avait appelé le pouvoir à la retenue, estimant que face à une éventuelle transformation en mosquée, «le monde chrétien se dressera contre cette possibilité». «Si Sainte-Sophie est à nouveau ouverte à la prière, elle doit l'être conformément à son but initial», avait-il ajouté.
L’idée de transformation en lieu de culte avait été réfutée par Tayyip Erdogan en personne. En juin 2014, le Premier ministre, aujourd’hui président de la République, avait lancé : «Remplissons d'abord la mosquée bleue [qui se trouve juste en face de Sainte-Sophie, ndlr] non pas à l'occasion des prières du tarawih [qui s'accomplissent lors du Ramadan, ndlr] ou des fêtes religieuses mais à l'occasion des prières du matin. Après, on verra».
Sami Kiliç
08:57 | Lien permanent | Commentaires (0)
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