mercredi, 22 juin 2016
La gauche perd Rome et Turin : tour de vis sur l’immigration en vue ?
Les élections municipales partielles de dimanche en Italie ont produit des résultats-coup-de-tonnerre pour le Premier ministre, Renzi et son gouvernement.
Les pronostics prédisaient bien la défaite de la gauche dans certaines villes. Mais si Rome était toujours incluse dans le lot de celles où son leadership serait âprement disputé, personne n’avait pensé que la débâcle serait de cette ampleur, ni surtout que la ville de Turin (nord-ouest), de profonde tradition de gauche serait, elle aussi, passée aux mains des populistes du Mouvement 5 Etoiles (M5S) ! Et pourtant au lendemain du vote, même le Premier ministre, Matteo Renzi (du Parti démocrate, PD, gauche), ne pouvait constater que la « douloureuse » dévastation qui la maintient certes toujours comme premier parti d’Italie, mais talonné désormais par le M5S.
« C'est certainement une défaite pour nous. Avoir perdu Rome et Turin brûle, c'est douloureux », a concédé le président du PD, Matteo Orfini. La gifle reçue par le PD est forte dans la capitale Rome: son candidat, Roberto Giachetti, a été largement battu par Virginia Raggi, candidate du M5S. Dire qu’il y a seulement deux mois, cette jeune avocate de 37 ans était une parfaite inconnue sur l’échiquier politique italien ne contribue pas à atténuer la douleur des militants de gauche (et même de la diaspora).
Cette victoire était attendue, mais l'écart de 35 points entre les deux candidats a été un vrai choc. D’autant que le M5S a également créé la surprise en détrônant le maire sortant de Turin, Piero Fassino, 67 ans, vieux cacique du PD, balayé par une autre jeune femme, Chiara Appendino, 31 ans. Ces secousses telluriques peuvent se justifier par la mauvaise gestion à Rome où l’équipe précédente de gauche a été infiltrée par la mafia, mais pas à Turin. Piero Fassino, plusieurs fois ministre et maire respecté et bien ordonné de Turin depuis 2011, ancien secrétaire général du PD, ne laisse pourtant que de bons souvenirs et une gestion rigoureuse.
Alors, quelles sont les raisons de l’échec ? La victoire à Milan, l’autre grande ville du nord-Italie suffira-t-elle à adoucir la potion amère pour le PD? Visiblement non, puisqu’au sein du parti, les règlements de compte ont commencé et que le conseil convoqué par Matteo Renzi pour ce vendredi risque de se caractériser par des plumes qui volent. Il y a déjà une aile plus à gauche que le parti, qui se dit résolue à en découdre avec le Premier ministre-premier secrétaire du parti, Matteo Renzi, accusé de tous les maux, depuis le cumul des pouvoirs, la suffisance et l’arrogance jusqu’à une « déconnexion entêtée » d’un pays qui ne vote plus ou « qui vote de plus en plus mal ». Le taux d’abstention a, en effet, frôlé les 50%.
Dans les organisations de la diaspora aussi on s’interroge à quelle sauce les étrangers seront désormais bouffés. Le M5S, qui monte dans le fauteuil de maires de deux des trois principales villes du pays, devient l’interlocuteur principal sur les questions d’intégration et d’immigration. Le Mouvement des Africains de Rome, qui tente d’organiser un carnaval des cultures africaines à Rome début juillet, s’interrogeait lundi si les intentions de la mairie seraient toujours aussi bienveillantes pour la concession ou la confirmation de concession des endroits retenus pour cette manifestation dans la capitale.
Le fondateur du M5S, le comique Beppe Grillo, est connu pour puiser ses idées à l’emporte-pièce aussi bien à gauche qu’à droite, voire à l’extrême-droite. Il est ainsi connu pour s’être largement opposé à l’idée soutenue par l’Italo-congolaise, Cécile Kyenge, première femme d’origine africaine à avoir fait partie d’un gouvernement en Italie, d’accorder la nationalité aux enfants d’étrangers nés sur le sol italien. Cette pratique – le droit du sol - courante dans de nombreuses nations d’Occident, avait suscité la colère du mouvement xénophobe de la Ligue du Nord qui lui préfère le droit du sang (être né d’Italiens, et non en Italie).
Et le point de vue de Beppe Grillo, homme proclamant une indépendance iconoclaste face à tous les partis et du « système », s’était « aligné » sur les trémolos teintés de racisme des extrémistes. L’homme a encore fait parler de lui le mois dernier, saluant à sa manière l’avènement d’un maire musulman et d’origine étrangère à Londres, en Grande-Bretagne. « Je voudrais bien les voir (ceux qui applaudissent son élection, Ndlr) quand va sauter Buckingham Palace » (la résidence officielle de la reine d’Angleterre). Sous-entendu: musulman=terroriste. Ce propos avait provoqué un tollé, mais aussi confirmé que les populistes sont désormais au pouvoir en Italie.
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