lundi, 18 juillet 2016
ATTENTAT DE NICE Les élus face à une France épuisée
Traumatisés et exaspérés par les attentats, les Français, attendent des réponses de la part des politiques. À 9 mois de la présidentielle, l’exécutif comme l’opposition cherchent le ton juste. Périlleux.
Après les attentats de Charlie, la classe politique devait répondre à un pays en état de sidération. Cette fois, au traumatisme s’ajoute une montée d’exaspération doublée d’une certaine résignation. Ce double sentiment n’était pas seulement perceptible sur la Promenade des Anglais à Nice où la vie reprenait doucement sur les lieux du drame : devant les bouquets de fleurs et les peluches des mémoriaux improvisés, les visages étaient mouillés de larmes et les gestes semblaient mûs par une sourde colère.
L’unité nationale émoussée
En janvier 2015, une immense majorité de Français se reconnaissaient dans le slogan « Je suis Charlie », en lettres blanches sur fond noir. Le 13 novembre, un « Je suis Paris » avec une Tour Eiffel placée au milieu du cercle noir « peace and love » des années 1970 symbolisait cette tristesse et cette envie de réagir ensemble.
Hier sur les réseaux sociaux, les photos et le slogan #JesuisNice étaient moins partagés et commentés que #Jesuisépuisé.
Après Charlie, l’unité nationale avait tenu un mois. En novembre, les clameurs du Congrès lorsque François Hollande annonçait état d’urgence et… déchéance de nationalité lui avaient donné vie une semaine. Mais déjà, les Français saturaient de l’enchaînement de commémorations et de débats sur la sécurité. Le 14-juillet, « la cohésion, l’unité » que réclamaient hier encore le Président, n’ont pas vécu une minute.
Comme lors des précédents attentats, visage fermé, ton martial, François Hollande s’est posé en « protecteur de la maison France » en appelant à la cohésion et à l’unité. Il n’a pas été suivi par l’opposition, au contraire, ni par un mouvement populaire. Certes la période estivale s’y prête moins. Et côté politique, l’approche de la présidentielle incite à calculer les réactions.
La recherche du bon ton
Mais les conséquences du carnage de Nice s’annoncent incertaines pour l’exécutif comme pour ceux qui, comme Alain Juppé, n’ont pas respecté le temps du deuil avant de décocher leurs coups (« Si tous les moyens avaient été pris, le drame n’aurait pas eu lieu »). « On ne va pas laisser le monopole de l’offensive contre le gouvernement au Front national », justifiait un ténor de la droite vendredi soir. Le patron du parti LR Nicolas Sarkozy, qui a vécu la tuerie de Merah en 2012 un mois avant l’élection présidentielle, et qui a pris le temps de mesurer les réactions ulcérées des Français et le mauvais écho médiatique renvoyé par la sortie de Juppé (entre autres) a remis à plus tard « le temps de dire les choses ». L’opposition cherche le bon ton pour être perçue comme un recours.
Les effets sur l’opinion
Les instituts de sondages peinent aussi à mesurer les effets politiques des événements pour le FN : Marine Le Pen dénonçait hier encore « un renoncement et les carences de l’UMP hier, du PS aujourd’hui face au fondamentalisme islamiste ». Pas sûr que ce discours imprime. La direction du renseignement extérieur par la voix de son patron Patrick Calvar fait état « d’un risque de confrontation dans le pays entre une extrême droite dure et le monde musulman ». Ce qui inquiète aussi l’opinion. « Les Français n’ont pas envie qu’on joue avec le feu sur ce sujet », prévient Gaël Sliman de l’institut Odoxa.
« Il est vraiment difficile d’anticiper les évolutions de l’opinion », estime Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop, qui ajoute néanmoins : « La campagne de 2017 aura lieu dans un contexte ou la première préoccupation des Français n’est pas un contexte de crise, comme depuis 1974, mais la sécurité ».
Seule certitude des sondages ; l’opinion attend des mesures fortes ; En même temps, selon l’institut Elabe, une majorité de personnes interrogées admet que le risque zéro attentat n’existe pas. Du coup, Manuel Valls assume le choix du « parler vrai » : « Le pays doit se préparer à d’autres attentats ». François Hollande rabâche les mots « protection » et « engagement » au matin comme au lendemain des attentats. Comme si l’exécutif aussi cherchait la réponse.
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