Depuis octobre 2014, les Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident (Pegida) manifestent chaque semaine contre les immigrés à Dresde, dans l'est de l'Allemagne. Lundi, le chef de ce mouvement islamophobe, Lutz Bachmann, a annoncé vouloir aller plus loin, avec comme ambition de créer le Parti populaire pour la liberté et la démocratie directe (FDDV). Depuis plusieurs mois, Pegida est menacé d'interdiction par des pouvoirs publics inquiets de ses dérives extrémistes. «Ils ont recyclé les idées d'extrême droite de la Seconde Guerre mondiale. On ne s'attaque non pas aux juifs mais aux musulmans. Par exemple, on dit que ces gens-là ne sont qu'une cinquième colonne, que leurs valeurs ne sont pas compatibles avec celles du pays», affirme au Figaro Thomas Guénolé, politologue.
Proche de la droite populiste
Bachmann a toutefois indiqué que le nouveau parti ne fera pas d'ombre à l'Alternative de l'Allemagne (AfD). Ce parti de droite populiste, proche de l'extrême-droite, connait un essor fulgurant depuis plusieurs mois. Lors des éléctions régionales en mars dernier, l'AfD était même arrivée second du scrutin recueillant 24,2% des suffrages en Saxe-Anhalt (est). «Nous soutiendrons l'AfD lors des prochaines élections législatives (prévues à l'automne 2017, ndlr) et ne présenterons de candidats que dans un nombre limité de circonscriptions», a précisé Lutz Bachmann. Les responsables de l'AfD, eux, restent divisés. Certains assument leur proximité avec Pegida. D'autres veulent s'en dissocier. «Suite à l'extermination des juifs lors de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu un tabou fort à propos des discours de haine envers une minorité en Allemagne. La montée de Pegida est le symbole d'un début de banalisation», explique Thomas Guénolé.
Un mouvement anti-immigrés
Sur l'échiquier politique, Pegida est clairement ancré à l'extrême droite. Plusieurs enquêtes judiciaires sont d'ailleurs en cours contre l'association pour incitation à la haine. Après les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015, Lutz Bachmann avait d'ailleurs appelé à l'expulsion de tous les islamistes d'Allemagne. Fer de lance de l'anti-immigration, le mouvement proteste contre la politique d'asile du gouvernement d'Angela Merkel. Habitués des manifestations, ils étaient parvenus à réunir près de 15.000 personnes en décembre 2014 dans leur fief de Dresde. Environ 20.000 en octobre 2015, puis 5000 en février 2016. Mais Pegida n'a toutefois jamais vraiment réussi à remplir son objectif de s'étendre dans tout le pays, n'étant vraiment populaire que dans l'est. Selon le politologue, «les discours islamophobes restent plus faibles en Allemagne qu'aux Pays-Bas ou en France».
Et en France?
Pegida possède une section en France. Elle a été lancée en janvier 2015 par Renaud Camus, théoricien du «grand remplacement». «Je ne pense pas qu'ils puissent émerger chez nous. Il y a déjà un parti construit sur l'hostilité voire la haine envers les gens de confession musulmane et c'est le Front national. Les deux sont différents, mais l'islamophobie est un point commun. On ne se rend pas compte de la gravité de leur discours», assure Thomas Guénolé. Pour l'heure, l'association ne comporte que quelques membres et son action sur le territoire reste relativement restreinte.
Dernièrement, le mouvement se mobilisait pour lutter contre les migrants. Ainsi, en février 2016, une centaine de personnes s'étaient réunies à Calais malgré une interdiction préfectorale. Une vingtaine avaient été interpellées par les CRS après des échauffourées. «Le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale n'a pas été gerée de la même manière en France et en Allemagne. Chez nous, on est encore dans le déni. Outre-Rhin, on est allé tellement loin à se regarder en face que l'effet a presque été celui d'une thérapie collective», conclut le politologue.
Etienne Jacob
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