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mardi, 26 juillet 2016

Fusillade de Munich : "Ici, il n’y a pas de ghetto"

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De toutes les nationalités, toutes les religions, ils sont venus se recueillir devant l’OEZ dimanche, où 9 victimes sont mortes vendredi soir. Une foule multiculturelle, multiconfessionnelle.  A l’image de la ville. De notre envoyée spéciale

Dimanche après-midi, il y avait comme une communion nationale, devant le MacDo où le forcené de 18 ans a tué 9 personnes, et en a blessé 35 autre vendredi soir, devant l’Olympia Einskaufszentrum, un centre commercial ultra-populaire, particulièrement prisé des jeunes le week-end. 

Sous un soleil de plomb, ils sont venus en nombre, musulmans et chrétiens, originaires de toutes les nationalités, seuls ou en famille, pour se recueillir, apporter une fleur, une bougie, prier. Prendre des photos aussi, comme pour immortaliser l’impensable. La foule est à l’image de la ville, profondément multiculturelle. Près de la moitié des habitants, dit-on, y seraient d’origine étrangère.

Assise sur les marches, cachée derrière ses lunettes noires, Doris pleure en silence. A 52 ans, cette blonde très élégante est encore sous le choc de la tragédie. Vendredi soir, elle avait rendez-vous dans ce centre commercial, une demi-heure après la fusillade, avec sa fille.  C’est elle qui l’a appelée pour lui dire de ne pas bouger… Depuis elle s’interroge :

"C’est arrivé si près de chez moi. Comment un seul garçon de 18 ans a t il pu faire une telle hécatombe ? Dans une ville aussi paisible ? C’est impensable".

Mais elle refuse de céder à la peur :

"Il faut qu’on veille sur nos jeunes,  qu’on vérifie qu’ils soient bien intégrés. Nous sommes une société tolérante, multiculturelle et on doit le rester."

Comme la plupart des habitants de Munich venus se recueillir, ce dimanche, sur les lieux de l’attaque, elle est soulagée que l’assassin n’ait aucun lien avec la mouvance islamiste :

"Il faut qu’on reste pacifiques, qu’on reste ensemble, unis, ouverts et bienveillants les uns avec les autres." 

"Une ville qui est désormais la nôtre"

A quelques pas de là, sur la même marche, des étudiantes d’origine turque déploient un drapeau rouge frappé d’un croissant et d’une étoile : trois adolescents turcs figurent parmi les victimes. Certaines d’entre elles portent le hijab, d’autres non. "C’est important, pour nous, d’être ici. Nous sommes nées ici, nous sommes allemandes, et turques aussi", dit Tuba, 26 ans, étudiante en droit :

"Nous ne sommes pas là en tant que musulmanes, mais en tant qu’être humains."

Toutes se sentent profondément allemandes. "Je ne dis pas que la situation est parfaite pour nous", ajoute Sümeyye, étudiante dans une école d’ingénieur, lunettes branchées et hijjab sombre : 

"Il y a aussi une forme de discrimination vis-à-vis de nous, surtout si nous portons le voile. Les enseignants sont toujours surpris que nous puissions réussir. Mais j’ai des cousins en France, je sais que pour eux, là-bas, la situation est bien plus difficile." 

En face, des Kosovars ont eux aussi se recueillent. Trois d’entre eux figurent également parmi les victimes. Les communautés, c’est vrai, se mélangent peu. Mais se côtoient avec beaucoup de bienveillance.

Plusieurs  dignitaires musulmans ont fait le déplacement. "Ici, il n’y a pas de ghetto", ajoute Precup, 40 ans. Ce Roumain, arrivé à Munich avec sa femme et leurs trois enfants il y a deux ans seulement, se sent déjà parfaitement intégré. Après treize années passées en Espagne, il loue le modèle allemand, "qui fait tout pour que nous fassions partie de ce pays". Dans son immeuble, une dizaine de nationalités sont représentés. "Mais il y a beaucoup d’Allemands de souche aussi." Bouleversés par les événements, ils sont venus, eux aussi, témoigner de leur solidarité "avec une ville qui est désormais la notre".

"Tolérants jusqu’à quand ?"

"Globalement, ici les gens sont tolérants", ajoute Temar, un jeune ingénieur expatrié égyptien barbu, arrivé il y a deux ans, avec sa femme Diana totalement voilée, et leur fils de deux ans.

"Il peut y avoir des regards suspicieux ici et là, surtout depuis les attentats qui ont eu lieu en Europe, comme si on avait quelque chose à voir avec tout ça. Mais dans l’ensemble, les gens sont gentils et vous acceptent comme vous êtes."

L’attentat à la hache par un jeune Afghan de 17 ans, une semaine avant le drame de Munich, puis l’attaque à coup de machette de Reutlingen, qui a fait un mort et deux blessés, ne risquent-ils pas d’entamer cette belle union nationale ? Rares sont ceux, ici, qui se risquent à l’amalgame. "Ce matin à l’église, nous avons prié pour toutes les victimes et leur famille. C’est un cas isolé, qui ne changera pas notre manière de voir les immigrés. Nous sommes complètements sous le choc, mais nous ne laisserons pas notre modèle social céder sous ces actes isolés", insiste Dorothée, venue avec son mari et ses parents, très âgés, déposer quelques fleurs. 

Tous ne partagent pas son optimisme : "J’ai peur", dit Melany, 17 ans, venue déposer des fleurs avec son tee-shirt noir orné du logo 'refugees welcome'. Les gens, c’est vrai, sont tolérants à Munich, mais jusqu’à quand ? L’extrême droite selon elle, va essayer d’en profiter. "Il y a déjà eu des manifestations. Ca commence. Les gens n’osent pas dire ce qu’ils ont sur le cœur, mais tout cela se verra sans doute lors des prochaines élections."

Natacha Tatu

Source : Le nouvel obs

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