mercredi, 27 juillet 2016
Un migrant meurt au cours d’une rixe dans le camp de Calais
Surpeuplé, précarisé à la suite d’un incendie géant et gangrené par les rivalités communautaires, le bidonville souffrait d’un climat intenable depuis des semaines.
Cette tragédie-là ne s’était jamais produite à Calais, mais elle était redoutée depuis longtemps par les bénévoles. Dans la nuit de lundi 25 à mardi 26 juillet, un migrant est mort poignardé par un autre migrant, aux abords du bidonville accolé au campement officiel.
Jusqu’alors, une quarantaine de candidats à l’exil ont perdu la vie dans la ville portuaire, pour la plupart en prenant des risques insensés pour rejoindre l’Angleterre.
Il s’agit cette fois d’affrontements entre Soudanais, Érythréens et Éthiopiens d’un côté, et Afghans de l’autre, selon la préfecture. La rixe s’est réglée à coups de couteau et de bâton. À 1 h 15 du matin, on comptait quatre blessés dans le camp africain, dont un très grave qui a immédiatement été transporté par un militant No Border au Centre Hospitalier de Calais.
Il n’a pas survécu. Ce migrant d’origine éthiopienne âgé de 37 ans, est « vraisemblablement décédé d’un coup de couteau mortel au thorax », indique la préfecture. Une enquête déterminera les circonstances et les causes exactes du décès.
Tensions et promiscuité
Une deuxième rixe a éclaté plus tard dans la nuit, à 3 h 55, faisant cette fois deux blessés érythréens. Pour expliquer les faits, certains habitants du bidonville racontent une autre version : le drame serait plutôt intervenu après une bagarre entre Amharas et Oromos, deux ethnies éthiopiennes.
« Quoi qu’il en soit, il y a une telle promiscuité dans le camp, tellement de tensions, qu’on craignait que cela se reproduise », s’attriste Vincent de Coninck, du Secours catholique. Le 26 mai dernier, des heurts entre Africains et Afghans avaient en effet déjà éclaté. À l’époque, 3 500 m² avaient été ravagés par les flammes.
L’incendie avait fait une cinquantaine de blessés. Entre 700 et 800 personnes ont perdu le peu qu’il leur restait. Depuis les migrants vivent dans une extrême précarité, les autorités n’autorisant pas les associations à entrer dans le camp avec des matériaux pour construire des cabanes.
« Ça fait des semaines qu’on leur dit que ça va mal finir sans être vraiment écoutés, poursuit Vincent de Coninck. Nos relais communautaires nous mettent surtout en garde de bagarres de comptoir liées à l’alcool. Il y a aussi la rivalité des réseaux pour contrôler l’économie souterraine. »
5 200 migrants dans des campements de fortune
Les associations sont d’autant plus inquiètes que la population du bidonville augmente chaque jour. Depuis mai, il y aurait entre 30 et 50 arrivées par jour. Selon leurs estimations, 5 200 migrants survivent aujourd’hui dans le campement de fortune, essentiellement dans des tentes, contre 3 200 d’après la préfecture. C’est le résultat de la réouverture de la route migratoire passant par la Libye et l’Italie, avec une grande majorité d’exilés africains.
Dans ce contexte, l’État fait pression pour démanteler au plus vite les divers camps de la région, à commencer par les petits sites africains de l’arrière-pays. Le bidonville rural de Steenvoorde – 60 occupants – a été évacué le 11 juillet dernier et celui de Norrent-Fontes – 400 occupants – est sous une procédure d’expulsion.
Beaucoup se voient contraints de se rabattre sur la « jungle » de Calais, déjà surpeuplée. Le campement principal est lui aussi dans le collimateur des autorités. Depuis le 18 juillet, la police a saisi 30 m3 de marchandises (eau, tabac, alcool, bouteilles de gaz…) dans les 62 commerces et restaurants informels installés sur place. Franck Esnée, chef de mission Nord France chez MSF, demande aux autorités « de ne pas mettre d’huile sur le feu », alors que la situation reste très tendue.
« Il faut repenser l’hospitalité en France, dit-il. Ce n’est pas en tapant sur la tête des migrants qu’on va les convaincre de se rendre dans les centres d’accueil et d’orientation (CAO) et d’envisager l’asile en France. »
Jean-Baptiste François
03:12 | Lien permanent | Commentaires (0)
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