jeudi, 28 juillet 2016
Saint-Étienne-du-Rouvray : la fulgurante radicalisation de l'un des assaillants
En mai 2015, le jeune AK rentrait en France bredouille après avoir tenté de rejoindre la Syrie à deux reprises. "La Tribune de Genève" avait rencontré sa mère.
La première fois qu'il a pris la fuite, il n'avait pas encore 18 ans. AK, l'un des deux assaillants de l'église de Saint-Étienne-du-Rouvray, avait quitté famille et amis le 23 mars dans le nord de la France dans l'espoir de rallier l'État islamique. Il avait pris l'avion le 12 mai dernier direction la Syrie. Intercepté en Turquie le lendemain, il a été arrêté le 14 à son retour à l'aéroport international suisse de Cointrin. Quelques jours plus tard, La Tribune de Genève racontait son histoire à travers le témoignage de sa mère.
Cette professeur décrivait alors son fils comme un enfant joyeux et gentil qui avait commencé à fréquenter la mosquée avec assiduité après la tuerie de Charlie. Lui qui « aim[ait] la musique » et « sortir avec des copines » se met soudain à lui faire la leçon. En moins de trois mois, elle assiste, impuissante, à la radicalisation fulgurante de son fils. « Il disait qu'on ne pouvait pas exercer sa religion tranquillement en France. Il parlait avec des mots qui ne lui appartenaient pas. Il a été ensorcelé, comme dans une secte », confiait-elle, anéantie, au quotidien francophone.
Candidat au djihad
L'entourage d'AK tombera des nues en naviguant sur les nombreux comptes Facebook de l'adolescent, truffés de conversations aux propos radicaux échangés avec des internautes du monde entier. L'intéressé fera ses valises dès le lendemain, à la suite d'une violente dispute. Candidat au djihad, il est attendu en Syrie. Mais son échappée prend fin à Munich, en Allemagne, où il se fait arrêter par la police, qui le renvoie chez lui. Placé sous contrôle judiciaire, AK devra signer un acte de présence chaque semaine au commissariat local. Malgré la demande de sa mère, le jeune homme n'hérite d'aucun bracelet électronique. « Ce n'était pas possible », se désolait à l'époque la mère du délinquant.
Le 11 mai, rebelote. Désormais majeur, AK prend de nouveau le large, accompagné d'AEM, un mineur également en fugue. Le duo, qui cherche à gagner la Turquie, se fait rapidement remarquer des autorités, faute d'organisation et de crédibilité. N'empêche, AK parviendra à embarquer pour Istanbul le 12 mai en présentant la carte d'identité de son cousin. Pendant ce temps-là, à Paris, la section antiterroriste de la direction centrale de la police judiciaire s'empare du dossier.
Mandat d'arrêt international
Le 13 mai, le tribunal de grande instance de Paris émet un mandat d'arrêt international. Plusieurs faits lui sont reprochés, à commencer par l'intention même de se rendre sur le territoire syrien. Le fait d'avoir « organisé de concert avec un mineur leur départ pour la Suisse, puis la Turquie, dans le but de rejoindre la Syrie » aggrave sans surprise sa situation. Une alerte Schengen est émise quelques heures plus tard dans 28 pays. Elle révèle qu'AK a aussi aidé AB, un autre mineur de 16 ans, à rejoindre les rangs de Daech grâce à sa carte d'identité. AB donne à son tour un coup de main à AK en lui procurant le contact d'un passeur de Turquie en Syrie.
Interrogé par La Tribune de Genève, le père du plus jeune, sans nouvelles de son enfant depuis le mois de mars, avait avoué son désarroi au journal : « Je n'ai pas compris. Mon fils n'a jamais quitté sa région avant ça. Comment a-t-il fait pour partir ? Il avait 200 euros sur lui. Il n'aurait pas pu aller loin sans aide. Je suis sûr qu'il était accompagné. » À plus de 3 000 kilomètres de son domicile familial, AB apportait pourtant la preuve qu'il avait bien quitté le pays : « Je suis arriver sain et sauf, les policier me traquait dans toute leurope mai allah les a aveugler et jai traverser la frontiere de la syrie en courant al hamdoulilah » (…) Si jaurai eter bloquer en france j'aurai commis de bon meurrtre contre vous habitant de lenfer (sic) » menaçait-il sur son compte Facebook.
Un autre sort est réservé à AK, remis dans l'avion pour Genève depuis Istanbul. Le Français, qui accepte son extradition – l'Office fédéral de la justice délègue son audition au ministère public genevois –, « veut parler à sa maman ». Elle réclame la raison de ses agissements. « La France, ça m'saoule », s'était contenté de lâcher le fils en guise de réponse.
00:28 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.