dimanche, 31 juillet 2016
Prêtre égorgé: Valls admet un "échec" dans le suivi de Kermiche
Manuel Valls a reconnu vendredi pour la première fois un "échec" de la justice dans le suivi d'un des deux tueurs de Saint-Etienne-du-Rouvray, en répliquant aux critiques de la droite et à Nicolas Sarkozy qu'il a accusé de "perdre ses nerfs" avec ses propositions antiterroristes.
Dans un entretien au Monde, le Premier ministre propose également une "remise à plat" de l'islam de France, en se disant favorable à la formation des imams dans l'Hexagone et à une interdiction temporaire du financement étranger des mosquées, tout en promettant d'être "impitoyable" avec ceux qui cherchent à faire des musulmans les "boucs émissaires".
Alors que l'exécutif avait refusé de reconnaître la moindre faille dans la tuerie de Nice le 14 juillet, malgré des critiques sur le dispositif de sécurité, Manuel Valls a prononcé pour la première fois le mot d'"échec" concernant l'attaque de Saint-Etienne-du Rouvray, même si la critique vise la justice et pas directement le gouvernement.
Interrogé sur la décision de la justice antiterroriste, confirmée en appel, de libérer en mars 2016 l'un des deux tueurs de l'église normande, Adel Kermiche, en le plaçant sous assignation à résidence avec un bracelet électronique, le chef du gouvernement répond: "C'est un échec, il faut le reconnaître".
"Cela doit conduire les magistrats à avoir une approche différente, dossier par dossier, compte tenu des pratiques de dissimulation très poussées des jihadistes", estime le Premier ministre, tout en affirmant qu'il ne sera pas "celui qui, au mépris de tout équilibre des pouvoirs, tomberait dans la facilité de rendre ces juges responsables de cet acte de terrorisme".
Le locataire de Matignon reste toutefois intraitable sur les accusations sur le dispositif de sécurité à Nice et les accusations de "mensonge d'Etat" portés par certains élus de droite, Christian Estrosi notamment.
- Il n'a pas songé à démissionner -
"Les accusations graves et nauséabondes sur un prétendu mensonge d'Etat doivent cesser", a-t-il affirmé, après la remise d'un rapport de la "police des polices" qui estime que le dispositif n'était pas "sous-dimensionné".
"Non", il n'a pas songé à démissionner, comme le réclame à droite Laurent Wauquiez, bras droit de Nicolas Sarkozy chez les Républicains. "Est-ce que tout a été fait? Est-ce que nous avons pris conscience du phénomène? Je réponds oui", dit-il.
Le Premier ministre réplique vertement à M. Sarkozy, en accusant l'ex-chef de l'Etat de "perdre ses nerfs" et de "basculer dans le populisme" quand il propose de sortir du "cadre" juridique actuel ou quand il reproche à l'exécutif "des arguties juridiques".
"Certains cherchent à discréditer la gauche en alimentant les peurs pour se constituer un capital politique. Mais ni la primaire de la droite, ni l'élection présidentielle ne justifient de telles attitudes. Nicolas Sarkozy perd ses nerfs. Etre lucide face à la menace, ce n'est pas basculer dans le populisme", lance M. Valls, qui veut casser le "tryptique" de la "peur", de la "surenchère" et du "populisme", pour lui "opposer la vérité, le sang-froid et le respect de l'Etat de droit".
S'il écarte ainsi l'idée de toucher de nouveau à la législation antiterroriste, déjà renforcée à plusieurs reprises depuis le premier attentat majeur visant Charlie Hebdo en janvier 2015, le Premier ministre fait en revanche des propositions sur le terrain de l'islam de France.
Reprenant des pistes qu'il avait lui-même évoquées depuis son arrivée à Matignon, il se dit ainsi "favorable" à une interdiction du financement étranger des mosquées "pour une période à déterminer".
Souhaitant une "remise à plat" et "inventer une nouvelle relation" avec l'islam de France, un chantier déjà lancé par le ministère de l'Intérieur, le Premier ministre suggère aussi que les imams soient "formés en France".
Mais il met en garde contre ceux qui voudraient transformer en "boucs émissaires" "des millions de musulmans dans notre pays (qui) jouent loyalement le jeu démocratique et adhèrent à nos valeurs républicaines", promettant d'être "impitoyable" avec ceux qui veulent voir dans les musulmans "le coupable idéal".
13:44 | Lien permanent | Commentaires (0)
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