Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 02 août 2016

De l’impact des attentats terroristes sur les extrêmes droites

p010-7_311306_large.png

Si tous les partis se mettent à jouer l'ultrasécuritaire, le processus de confrontation sera difficile à interrompre.

France, Allemagne, Belgique. Selon la Global Terrorism Dataabase, gérée par l'Université du Maryland, le nombre d'attaques terroristes a diminué en 2015 par rapport à l'année précédente, tout comme le nombre de victimes. Sauf en Europe. Le Vieux Continent est touché de plein fouet par les attentats. Globalement, en Europe de l'Ouest, les attaques sont passées de 214 à 321 en une année. Et comme après chacune d'entre elles, les réactions de la classe politique vont bon train. Fournissant aux extrêmes droites un prétexte pour asséner leurs propositions, amalgamant immigration, terrorisme et identité.

Les raisons pour lesquelles l'extrême droite en Europe engrange des scores importants ne sont pas uniquement liées au terrorisme, mais aussi aux questions sociales. Pour Jean-Yves Camus, politologue spécialiste des nationalismes et extrémismes en Europe, le rapport entre attentat et résurgence de l'extrême droite n'est pas automatique et il est surtout à nuancer. « En France, le FN (Front national) a fait son trou dans le monde politique et, électoralement parlant, depuis très longtemps. La première fois quand il a remporté 10 % des voix, pendant les élections européennes de 1984. Puis quand Jean-Marie Le Pen a figuré au second tour en 2002 face à Jacques Chirac. On a donc au moment où surviennent les attentats de Charlie Hebdo, un FN déjà largement consolidé », explique-t-il. Même si, un mois après les attentats de novembre, le FN réussit son meilleur score lors des élections régionales avec 28 % des voix, le succès est à nuancer compte tenu de sa défaite en Provence-Alpes-Côte d'Azur, région qui lui est historiquement acquise.

En Allemagne, en revanche, l'émergence d'un parti d'extrême droite comme Alternative pour l'Allemagne est beaucoup plus récente et coïncide avec la question du terrorisme islamiste. « Alternative pour l'Allemagne est vraiment né sur la question des réfugiés et la façon dont ces derniers pourraient être instrumentalisés par les islamistes sur le territoire allemand », constate Jean-Yves Camus. D'autant que les attentats d'Ansbach et Würzburg ont posé la question de la politique d'ouverture d'Angela Merkel, malgré davantage de retenue dans les réactions.

À l'inverse, en Espagne, depuis l'attentat de Madrid en 2005, nombre de filières de l'organisation État islamique (EI) ont été démantelées, et pourtant les scores de l'ultradroite espagnole ne dépassent pas les 1 %. « La faute à une formation de droite (le Parti populaire) au discours identitaire assez musclé », explique le politologue.
De fait, il n'y a pas tant une montée de l'extrême droite face aux attentats, mais plutôt une droite qui se réapproprie son discours. Une des caractéristiques de la droite européenne après 1945 est ses positions très prudentes sur les questions identitaires. Et ce en raison du passé du Vieux Continent et de toutes les tragédies auquelles avait conduit le nationalisme ou le chauvinisme. « La droite était même modérément multiculturaliste », confie Jean-Yves Camus.

D'exception en exception


Qui dit attaque terroriste, dit remise en question sécuritaire.


En France, depuis les attentats de Charlie Hebdo, le pays vit sous l'état d'urgence. Une mesure d'exception, qui dure maintenant depuis plus d'un an, et qui autorise notamment les perquisitions administratives a priori sans l'aval du juge. Pour Camille Grand, directeur du think tank français Fondation pour la recherche stratégique, le véritable danger des attentats n'est pas tant les attaques en elles-mêmes que ce qui se passe après. « On voit de plus en plus des mesures d'exception, qui nous font glisser vers un modèle de société sensiblement différent », explique le chercheur. La banalisation de l'armée dans les rues comme en France ou en Italie va dans ce sens. Des mesures qui, pour lui, peuvent aboutir à des sociétés ultrasécuritaires. « On n'y est pas encore, mais l'émotion qui suit l'enchaînement des attentats met la pression sur la politique et, un jour ou l'autre, on pourra tout à fait se retrouver avec un Parlement qui vote des lois à l'encontre de ses principes », confie-t-il. Le débat sur la déchéance de la nationalité en France en est un parfait exemple.

Enfin, les civils aussi font craindre une dérive sécuritaire. Dans ses prédictions, Patrick Calvar, patron de la DGSI (sécurité intérieure française), parlait de « guerre civile » entre ultradroite et musulmans lors d'une commission parlementaire. À cela, Jean-Yves Camus répond : « Cela fait trente ans que la droite extrême théorise la guerre civile, mais il y a beaucoup de mots et peu d'actions. »

Quelques frictions commencent tout de même à se faire sentir. En témoigne la vidéo d'une musulmane clairement agressée, verbalement, après l'attentat de Nice, mais aussi le communiqué du Front de libération nationale corse (FNLC) menaçant d'intervenir à la place de l'État si l'EI s'en prend à elle. Il semblerait que l'engrenage des représailles aveugles soit en marche, et si tous les extrêmes intègrent le bal, le processus sera difficile à interrompre.

Mathieu Ait Lachkar

L'Orient le jour

 

Les commentaires sont fermés.