jeudi, 18 août 2016
Racisme et guerre des « communautés » : va-t-on se décider à ouvrir les yeux ?
En ce week-end du 15 août, la Corse a tenu le devant de la scène médiatique avec ses bagarres « ethniques ». Mais pour certains (France 2 et France Info, notamment), il aura fallu 48 heures pour que la vérité soit enfin lâchée du bout des lèvres. Et évacuée en 7 secondes chrono. Pour éviter les choses qui fâchent, ces gens-là nous ont en effet servi un conte selon lequel une rixe aurait éclaté à Sisco après qu’un homme eut pris en photo une fillette à la baignade. Alors, quand il a fallu expliquer l’arrêté d’interdiction du burkini pris par le maire, ça s’est un peu compliqué, forcément.
Dans un autre genre, plus moralisateur, Le Monde titre sur le racisme des Corses : « Les dernières données disponibles de la Commission nationale consultative des droits de l’homme [PDF] (CNCDH) font état sur l’île de Beauté d’un niveau de violence à caractère raciste supérieur à celui des autres régions françaises. » Qui, quoi, pourquoi, comment, pour quelles raisons, dans quel contexte ? On n’en dit évidemment rien.
Et personne, d’ailleurs, ne veut dire que le problème de fond – parce que le plus visible, en Corse comme ailleurs – est la situation d’infériorité des femmes dans l’islam. Une infériorité de droit et de fait que l’on tente d’instiller par tous moyens dans la société française. Alors oui, le burkini et le voile, ressentis comme des provocations, deviennent insupportables et constituent, de fait, un « trouble à l’ordre public ».
À propos de racisme, un autre événement a eu lieu dimanche, et celui-là n’a rencontré aucun écho. C’était à Aubervilliers, où plusieurs milliers de Chinois se sont rassemblés devant la mairie en hommage à Zhang Chaolin, assassiné en pleine rue pour le voler. Le maire Meriem Derkaoui n’a pas hésité à dénoncer un crime au « mobile crapuleux » et au « ciblage raciste ».
Dans un communiqué, un comité de soutien à la famille interpelle le gouvernement : « Les habitants de la Seine-Saint-Denis et plus particulièrement ceux d’origine chinoise […] sont les victimes quotidiennes d’agressions, de vols de plus en plus violents à leur encontre […] Aujourd’hui, devant l’inefficacité des mesures prises par les autorités, la colère des habitants monte, la tension entre les communautés est palpable. »
Les Chinois se font tuer par des crapules des cités environnantes, mais ils ne cassent pas les vitrines, n’incendient pas les voitures. Alors, l’État s’en fout. Le Monde aussi. Pourtant, des faits similaires avaient déjà poussé les Chinois de Belleville à manifester en 2010 et 2011. Même scénario, même conséquences : agressions hyper-violentes, morts…
La presse, déjà, tentait de biaiser: « La communauté chinoise serait ciblée car ses membres transporteraient de l’argent en liquide. Le président de l’association de l’amitié chinoise en France aurait recensé une centaine de cas [d’agressions]. » Marianne y allait sur la pointe des babouches : « Et pourquoi ces incidents arrivent-ils dans le XXe arrondissement et non dans le XIIIe, où réside aussi une forte communauté chinoise ? Pour certains, c’est parce que des personnes d’origine africaine et maghrébine résident aussi dans ce quartier, les agresseurs étant issus de ces communautés. » Sans blague ?
Et le magazine de conclure alors : « Le risque : faire passer cette affaire comme un dossier ne concernant que les Chinois, attisant encore plus les replis communautaires et les préjugés sur les origines des agresseurs. Des tensions qui ne pourront qu’engendrer d’autres violences. »
L’objectif est atteint : on y est ! Et ça ne fait sans doute que commencer…
Marie Delarue
14:02 | Lien permanent | Commentaires (0)
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