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vendredi, 19 août 2016

Le burkini : un destin pour Chevènement ?

Interrogé sur Europe 1 à propos de la récente (?) déferlante de burkinis sur les plages de France, Jean-Pierre Chevènement marque des points auprès du système. Sa position ? Elle est d’une originalité foudroyante : « La liberté sauf nécessité d’ordre public » ; décalque laborieux de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, version 1789 (« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui »). Pas surprenant de la part d’un homme qui connaît tous les couplets de « La Marseillaise ». Si vous me passez ce jeu de mots d’une nullité hollandesque, l’ancien ministre ne se mouille pas.

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Là où Chevènement est meilleur, c’est sur le développement de sa position : « Les gens sont libres de prendre leur bain costumés ou non. » D’abord, saluons un trait d’humour involontaire : les oripeaux mahométans sont-ils un costume, de ceux que portent les enfants pour se faire remarquer, comme celui de clown, de maréchal d’Empire ou de cosmonaute ? C’est l’avis de beaucoup, depuis fort longtemps, mais généralement pas celui du camp du bien, qui voit une liberté là où il n’y a qu’une méprisante provocation. Et par « costumés ou non », faut-il entendre que Jean-Pierre l’inflexible tolérerait, sur le même sable, cinquante nuances de costume : la jeune femme en burkini, la poufinette en string ficelle, la vieille prolétaire topless avec ses tatouages bleus et la naturiste de stricte obédience ? Voilà quelle serait la vraie diversité ! Toutefoisb on ne peut s’empêcher de frémir à l’idée de ce que donnerait ce choc des civilisations par épiderme interposé. Il faudrait un peu plus que des musulman(e)s avec des armes blanches, en train de s’acharner sur des adolescents ou de crever les pneus de voiture des kouffars, pour régler cette guerre civile aux relents de monoï et d’huile moteur (« nauséabonde », donc).

Enfin, nous culminons dans le flou avec cette supercherie aporétique : « Il faut que chacun cherche à s’intégrer à la société française. L’intégration n’est pas un gros mot, ça veut dire avoir accès aux codes sociaux qui permettent l’exercice des libertés », a poursuivi Jean-Pierre Chevènement. « L’identité française est mouvante », a-t-il reconnu. (Le Parisien). Outre le mot orwellien du journaliste (pour qui se prononcer sur une « identité mouvante », c’est « reconnaître » quelque chose qui existe déjà), comment peut-on demander à des immigrés d’avoir accès aux « codes sociaux » d’une « identité mouvante » ? Involontairement, M. Chevènement dresse le constat juste : nous savons tellement peu qui nous sommes, on nous l’a tant fait oublier, qu’il nous est impossible d’exiger la mise en conformité des autres à une identité désapprise ou méprisée. Chevènement ne manie pas l’aporie comme Platon ni le koan comme les moines zen : en politique, si un raisonnement a l’air absurde et irréaliste, il l’est. Depuis le temps, la gauche devrait l’avoir appris.

On dit Chevènement pressenti pour prendre la direction de la Fondation pour l’islam de France ; lui ne se dit « pas candidat » mais « disponible ». Attitude de diva qu’on n’avait pas vue depuis Jospin ou de Gaulle, et qui le classe illico, pour la presse, dans la catégorie des grands hommes, traverseurs de désert et porteurs de destin.

À ce propos, un gestionnaire des « ressources humaines » avait dit un jour à l’un de mes amis : « Écoute mon vieux, y a trois catégories : ceux qui ont un destin, ceux qui ont une carrière et ceux qui ont un parcours professionnel. Toi, t’as un parcours professionnel. » Le « Che » qui s’imagine un destin a-t-il les yeux plus gros que le ventre ? N’a-t-il pas acquis cette lâche résignation des vieux ratés, à force de gages donnés à l’ennemi ? « Un ministre », avait-il dit, « ça ferme sa gueule ou ça démissionne. » Cette fois, s’il dirige ladite fondation, je pense qu’il ne démissionnera pas.

Arnaud Florac

Source : Boulevard Voltaire



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