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mardi, 27 septembre 2016

Livre Jaroslav et Djamila de Sarah Vajda

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Le premier semestre de cette année a été marqué par le retour du féminisme. Des essais comme celui de Gabrielle Cluzel, Adieu Simone ! Les dernières heures du féminisme, ont fait le constat de l’échec des idéologies ayant fait le lit d’une société libérale et multiculturelle bien plus violente envers les femmes.

Le cinquième roman de Sarah Vajda s’intitule Jaroslav et Djamila. Il aurait pu s’appeler Djamila tout simplement, comme figure éternelle d’une femme arrachée à son destin. Djamila fut d’abord Mila jusqu’à ses 15 ans. Petite-fille de harki du côté de sa mère, de dynastie islamique marocaine du côté de son père et, surtout, petite-fille de France. Sauf que sa mère meurt. Sauf que son père la « ramène » au bled. À partir de là, mariage de raison pour un retour au bras de Mehdi – le bon mari, dans le neuf-trois. Ne pas avoir vécu d’aventure amoureuse la rend folle. Elle croise Jaroslav en exil depuis l’Ukraine. L’histoire d’amour réside dans cette « brève rencontre ».

Cette histoire est tissée par le narrateur, à travers le dialogue qu’il a avec le jeune Nico. Ces deux hommes sont comme les archétypes honnêtes de l’ancien et du moderne. Le narrateur est un médecin qui a tout connu, surtout la souffrance, et qui est sorti de sa propre histoire.

Nico est un jeune homme, étudiant en sociologie, assoiffé de justice. Il se penche sur Djamila pour étudier l’acculturation…

 Pour rendre justice à Djamila, ces deux-là vont s’amuser à faire le procès de l’oncle Hafez qui œuvra au mariage dit de raison de sa nièce. Le narrateur, en sage, prend la défense de l’oncle en plaidant pour la tradition… Sa sagesse flirte avec le cynisme.

« Ajoutons ici que l’affaire eut lieu en territoire marocain et non en République française. Quel crime vraiment de tenir pour la nécessaire protection de la femme, de vanter le mariage… »

Nico, lui, plaide la raison et l’amour, accessibles à tous pour reconnaître qu’un homme égale une femme. Il convoque toute la pensée et la littérature dans un discours romantique et, parfois, pathétique.

« On saurait vous répondre qu’un crime commis au nom du ciel mérite plus grand châtiment qu’un crime né de la faiblesse humaine et je sais, dans l’éther, des milliers d’amants séparés, de filles sacrifiées et d’enfants empêchés de naître, qui au secours de ma démonstration aisément se lèveraient. »

Mais après cette joute verbale, Djamila oppose sa personne, sa vérité. Que sont tous ces discours face à sa vie ?

« On se tait. Il s’agit de presque rien, de ma vie, vous parlez de ma vie. À quel titre ? En quel nom ? Que savez-vous de moi, vous qui parlez pour moi. Juste un stéréotype. Sept milliards de voix saturent le silence. Je n’existe pas et ne suis pas une autre. Personne. Un nom dans le dossier « acculturation » de Nico, lettre D. Djamila. »

Amoureux de la modernité, amoureux de la tradition, peu importe : la réalité est le multiculturalisme, ultime phase du libéralisme qui arrache l’être à son destin, la femme à ses possibles.

Kateri Andami

Boulevard Voltaire

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