Les étudiants de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) ne décolèrent pas contre l’invitation de Norbert Hofer, vice-président du FPÖ autrichien, à une table ronde sur la crise des réfugiés jeudi à Genève
Un institut fondé sur l’ouverture au monde peut-il inviter un politicien qui capitalise sur la peur des étrangers et de l’islam? L’invitation de Norbert Hofer, l’un des leaders de l’extrême droite autrichienne, agite l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) à Genève. Le vice-président du FPÖ participera jeudi à la Maison de la Paix à une table ronde intitulée: «Que peuvent faire les politiciens pour résoudre la crise des migrants?»
Les étudiants de l’IHEID ne décolèrent pas. Leur pétition pour que Norbert Hofer ne soit pas invité avait recueilli 140 signatures mardi à la mi-journée. «Son discours islamophobe et anti-réfugiés heurte la diversité des étudiants de l’IHEID», dénonce Julie Melichar, l’une des étudiantes à l’origine de cette protestation. Elle a aussi lancé des cours de français donnés dans le campus à des réfugiés. «Ils seront le même soir dans la salle juste à côté de celle où s’exprimera M. Hofer.»
Le directeur de l’IHEID, Philippe Burrin, a reçu les étudiants mécontents lundi et leur a répondu dans un courrier mardi. «Il n’y a pas le moindre désaccord sur le jugement à porter sur M. Hofer, sa personne et ses idées, comme sur le danger de mouvements xénophobes et islamophobes comme celui qu’il dirige», écrit-il.
Norbert Hofer est souvent considéré comme le «visage souriant» du FPÖ, un mouvement dont il a largement contribué à lisser l’image. Résultat: cet ingénieur de formation de 45 ans était arrivé largement en tête du premier tour de la présidentielle autrichienne en avril dernier. En Autriche, le rôle de président est largement honorifique mais Norbert Hofer avait promis de lui donner plus de poids. En mai, le candidat du FPÖ n’a été devancé au second tour que par une marge infime. Mais, à cause des irrégularités, un nouveau scrutin sera organisé le 4 décembre prochain.
Au contraire de cette image rassurante, les étudiants reprochent à Norbert Hofer de faire partie d’une corporation pangermaniste, nostalgique de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie. Qu’en pense le directeur de l’IHEID, qui était justement professeur spécialisé dans l’Histoire du nazisme? Philippe Burrin «ne veut pas mélanger les casquettes» et dit «ne pas avoir les moyens de vérifier sérieusement» ces allégations.
L’initiative de cette table ronde revient à Europaeum, une association qui réunit plusieurs universités, dont l’IHEID, explique le directeur. L’IHEID accueille jeudi le conseil d’administration d’Europaeum, dont font partie José Manuel Barroso et Karel Schwartzenberg. L’ancien président de la Commission européenne, qui a provoqué un tollé en rejoignant la banque Goldman Sachs, et l’ancien ministre des Affaires étrangères seront chargés de porter la contradiction au populiste autrichien. De même que Carol Batchelor, directrice de la division protection au Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), rajoutée au dernier moment au programme. Philippe Burrin promet malgré tout une opposition «virulente» à Norbert Hofer.
Julie Melichar, qui s’est rendue en janvier dernier sur l’île grecque de Lesbos pour aider les réfugiés faisant la traversée depuis la Turquie au péril de leur vie, conteste vigoureusement: «Les discours de fermeture des politiciens européens contribuent à laisser les gens mourir sur le chemin de l’Europe». «Nos étudiants doivent pouvoir se confronter à des thèses qui leur sont répugnantes, rétorque Philippe Burrin. Ce sera leur lot s’ils travaillent dans la diplomatie ou dans les organisations internationales.»
Le directeur de l’IHEID fait aussi valoir que le courant politique de Norbert Hofer représente 25% à 30% de l’électorat. «En Suisse, il ne nous viendrait pas à l’idée de ne pas inviter Christoph Blocher pour un débat, continue Philippe Burrin. Norbert Hofer sera peut-être le prochain président autrichien et il sera reçu partout». En 2000, l’Autriche avait pourtant été brièvement mise au ban de l’Union européenne après l’entrée au gouvernement du FPÖ, alors présidé par le tribun Jörg Haider. Autre temps, autres moeurs.
Simon Petite
letemps.ch
Les étudiants de l’IHEID ne décolèrent pas. Leur pétition pour que Norbert Hofer ne soit pas invité avait recueilli 140 signatures mardi à la mi-journée. «Son discours islamophobe et anti-réfugiés heurte la diversité des étudiants de l’IHEID», dénonce Julie Melichar, l’une des étudiantes à l’origine de cette protestation. Elle a aussi lancé des cours de français donnés dans le campus à des réfugiés. «Ils seront le même soir dans la salle juste à côté de celle où s’exprimera M. Hofer.»
«Normalisation du discours populiste»
«Cette invitation contribue à normaliser le discours populiste», estime Julie Melichar. L’étudiante ne croit pas que les questions de la salle et une quinzaine de minutes de débat puissent «changer quoi que ce soit». Après avoir tenté en vain d’empêcher la venue de Norbert Hofer, les étudiants se réunissaient mardi soir pour déterminer leur façon d’agir pendant le débat.Le directeur de l’IHEID, Philippe Burrin, a reçu les étudiants mécontents lundi et leur a répondu dans un courrier mardi. «Il n’y a pas le moindre désaccord sur le jugement à porter sur M. Hofer, sa personne et ses idées, comme sur le danger de mouvements xénophobes et islamophobes comme celui qu’il dirige», écrit-il.
Norbert Hofer est souvent considéré comme le «visage souriant» du FPÖ, un mouvement dont il a largement contribué à lisser l’image. Résultat: cet ingénieur de formation de 45 ans était arrivé largement en tête du premier tour de la présidentielle autrichienne en avril dernier. En Autriche, le rôle de président est largement honorifique mais Norbert Hofer avait promis de lui donner plus de poids. En mai, le candidat du FPÖ n’a été devancé au second tour que par une marge infime. Mais, à cause des irrégularités, un nouveau scrutin sera organisé le 4 décembre prochain.
Au contraire de cette image rassurante, les étudiants reprochent à Norbert Hofer de faire partie d’une corporation pangermaniste, nostalgique de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie. Qu’en pense le directeur de l’IHEID, qui était justement professeur spécialisé dans l’Histoire du nazisme? Philippe Burrin «ne veut pas mélanger les casquettes» et dit «ne pas avoir les moyens de vérifier sérieusement» ces allégations.
L’initiative de cette table ronde revient à Europaeum, une association qui réunit plusieurs universités, dont l’IHEID, explique le directeur. L’IHEID accueille jeudi le conseil d’administration d’Europaeum, dont font partie José Manuel Barroso et Karel Schwartzenberg. L’ancien président de la Commission européenne, qui a provoqué un tollé en rejoignant la banque Goldman Sachs, et l’ancien ministre des Affaires étrangères seront chargés de porter la contradiction au populiste autrichien. De même que Carol Batchelor, directrice de la division protection au Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), rajoutée au dernier moment au programme. Philippe Burrin promet malgré tout une opposition «virulente» à Norbert Hofer.
«Norbert Hofer n’a pas de sang sur les mains»
«C’est un autre membre du conseil d’administration d’Europeaum, Erhard Busek, ancien vice-chancelier autrichien, qui a suggéré le nom de Norbert Hofer. Je ne m’y suis pas opposé, car, à ma connaissance, il n’a jamais été condamné et n’a pas de sang sur les mains», poursuit Philippe Burrin.Julie Melichar, qui s’est rendue en janvier dernier sur l’île grecque de Lesbos pour aider les réfugiés faisant la traversée depuis la Turquie au péril de leur vie, conteste vigoureusement: «Les discours de fermeture des politiciens européens contribuent à laisser les gens mourir sur le chemin de l’Europe». «Nos étudiants doivent pouvoir se confronter à des thèses qui leur sont répugnantes, rétorque Philippe Burrin. Ce sera leur lot s’ils travaillent dans la diplomatie ou dans les organisations internationales.»
Le directeur de l’IHEID fait aussi valoir que le courant politique de Norbert Hofer représente 25% à 30% de l’électorat. «En Suisse, il ne nous viendrait pas à l’idée de ne pas inviter Christoph Blocher pour un débat, continue Philippe Burrin. Norbert Hofer sera peut-être le prochain président autrichien et il sera reçu partout». En 2000, l’Autriche avait pourtant été brièvement mise au ban de l’Union européenne après l’entrée au gouvernement du FPÖ, alors présidé par le tribun Jörg Haider. Autre temps, autres moeurs.
Simon Petite
letemps.ch
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