Depuis le début de la semaine, des centaines de policiers défilent la nuit dans différentes villes de France. A Paris, ils affirment être un mouvement "sans tête" et apolitique, mais la tentative de récupération de l'extrême droite plane.
Depuis lundi 17 octobre, des centaines de policiers en colère se réunissent chaque soir dans les rues de Paris, mais aussi à Lyon, Marseille ou encore Toulouse et Montpellier. Un "ras-le-bol" face au manque de moyens, d'effectifs et de sécurité, deux semaines après l'agression de quatre agents au cocktail Molotov à Viry-Châtillon (Essone).
Rarissime, ce mouvement pose aussi de nombreuses questions: qui le dirige? qui en est à l'origine? Difficile de savoir, puisque les manifestants, qui défilent cagoulés, tentent de préserver leur anonymat. Ils n'ont d'ailleurs pas déclaré la manifestation de lundi à la préfecture de police de Paris, un "oubli" normalement puni de 7500 euros d'amende et de six mois d'emprisonnement. Et pour cause, le droit de manifester des policiers, s'il n'est pas explicitement interdit par leur code de la déontologie quand ils sont hors service et en civil, n'est pas non plus évident, comme l'explique Le Monde.
Un mouvement "manipulé" par le FN ?
Le Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis voit dans ces manifestations "la patte du FN". Et le secrétaire général d'Alliance police, Jean-Claude Delage, a affirmé sur France Info vendredi, qu'il y a "des manipulateurs" qui oeuvrent en coulisses.
Selon un journaliste militant, un manifestant parisien n'aurait pas hésité à proférer des menaces de mort à son encontre. Les images montrant des membres du cortège arborant chaînes, bagues de combat, bombers et "foulard tête de mort", apparats dont s'affublent traditionnellement les groupes identitaires, ne plaident pas forcément en leur faveur.
Cerise sur le gâteau, selon Le Point, Rodolphe Schwartz, l'un des leaders autoproclamé du mouvement, n'est pas policier, ou du moins ne l'est plus. Cet ancien adjoint de sécurité à Paris -désormais employé chez Carrefour- a même figuré sur la liste de Wallerand de Saint-Just (FN) lors des dernières élections municipales à Paris.
Le mouvement a-t-il pour autant été récupéré par les mouvements d'extrême-droite? Pas selon "un brigadier d'origine maghrébine" interrogé par Le Pointpour qui "C'est une aberration que Schwartz s'autoproclame porte-parole, les collègues ne sont pas d'extrême-droite". Interrogé par L'Express, Rémy Buisine, un reporter qui a couvert les manifestations de Paris sur Periscope et Twitter, estime lui aussi qu'il est "difficile de tirer des conclusions".
"Sans tête et apolitique"
"Honnêtement, il serait très hasardeux d'affirmer que le mouvement est piloté par qui que soit. C'est vrai qu'il y a eu des slogans comme 'Les racailles en prison!', qui interrogent, mais peut-on en conclure quelque chose? Le principal slogan, c'était surtout de chanter la Marseillaise toutes les 10 minutes", explique Rémy Buisine.
"J'essaye, comme beaucoup de gens, de comprendre qui a impulsé le mouvement et s'ils ont une idée politique derrière la tête. C'est ambigu car aucun manifestant n'a voulu donner son nom, uniquement un numéro de matricule, regrette-t-il. Mais la grande majorité m'a affirmé être un mouvement 'sans-tête', apolitique et totalement détaché des syndicats. Ils réclament plus de moyens et plus de protection, la démission de Bernard Cazeneuve [le ministre de l'Intérieur], Jean-Marc Falcone [le patron des policiers] et de François Hollande. Surtout, ils réfutent tous à 100% les accusations de Cambadélis."
Les syndicats tentent de reprendre la main
"J'ai discuté avec une personne qui se revendiquait ouvertement d'un groupe identitaire. Il n'était pas de la police, mais tenait à apporter son soutien, précise Rémy Buisine. Mais si l'on veut rester totalement factuel, il n'y avait aucun représentant officiel du Front national dans le cortège. Et si des politiques étaient venus, je pense qu'ils n'auraient pas été les bienvenus. C'est probablement pour ça qu'aucun ne s'y est hasardé."
Mais un mouvement policier qui opère dans les limites de la légalité peut-il rester "sans-tête" indéfiniment, à la manière d'un Nuit Debout? Ce n'est pas l'avis des syndicats de la police qui, s'ils ont été dépassés par l'événement les premiers jours, tentent désormais de reprendre la main, notamment en ayant décroché une réunion la semaine prochaine avec François Hollande. Pas sûr que cela suffise à calmer la grogne des policiers.
Victor Garcia
L'Express
Les commentaires sont fermés.