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mardi, 06 décembre 2016

La ligne Philippot : celle des patriotes jouisseurs et des socialistes zombies

 

« François Fillon, c’est le pire programme de casse sociale qui n’ait jamais existé » (Marine Le Pen).

« Ne laissons pas les responsables de la France d’aujourd’hui punir les Français par une politique d’austérité brutale » (Dupont-Aignan).

Quant à Henri Guaino, il affirme que François Fillon incarne une droite « qui n’a aucune humanité ».

Ces outrances révèlent une chose : chez les souverainistes, la ligne Philippot est désormais hégémonique. C’est une ligne qui a l’audace de vouloir sortir d’un euro-mark qui nous asphyxie, mais sans avoir le courage ni l’honnêteté d’exiger des Français le moindre sacrifice. C’est une ligne qui, dans une certaine mesure, fonctionne à merveille car taillée sur mesure pour les bataillons croissants de patriotes jouisseurs.

Il aiment la France, abhorrent la colonisation qui la défigure et, à les entendre, seraient prêts à donner leur vie pour elle. Prêts au sacrifice suprême. Mais qu’on n’envisage pas de toucher à leur portefeuille ou à leur temps libre, à supprimer les 35 heures ou à relever l’âge de la retraite.

Car ces patriotes d’un nouveau type sont tout en subtilité : disposés à sacrifier leur vie, mais pas leur niveau de vie.
Ils s’en défendent toujours par le même argument : les classes moyennes seraient les seules à payer (il est vrai que les riches sont exemptés d’impôts), tandis que les patrons se goinfrent. Ce n’est pas leur raison qui s’exprime mais leur ressentiment. L’égalité réelle, avant le redressement national. Sauver la France et son économie, certainement ; mais pas au prix d’un accroissement des inégalités.

Ces patriotes placent le tiers de la devise républicaine au-dessus de la France. Et le parti au-dessus de la patrie. Certains ont même appelé à voter Juppé, arguant que, pour Le Pen, il serait moins dangereux qu’un Fillon. 

Après le portefeuille, la politique politicienne. La France peut attendre ; il y a des priorités.
 Ces « patriotes » fustigent Mai 1968 mais se comportent en « nationaux-soixante-huitards ». À leur décharge, personne ne leur propose de véritable alternative à la jouissance privée : une jouissance publique, nationale, civilisationnelle.
Car qu’est-ce que le bonheur, sinon la volonté de puissance ? Ici, Nietzsche et Spinoza (puissance d’agir) s’accordent. Notre bonheur peut s’accroître par les loisirs. Or, leur consommation dépend le plus souvent du niveau de revenu et, donc, de la sauvegarde de l’État-providence.

Mais si le bonheur solitaire du navigateur est noble, le patriote ne saurait – au risque de se renier – tendre vers cet idéal petit-bourgeois. Son bonheur se doit d’être à mi-chemin entre celui, transcendant, proposé par la religion, et celui de l’individu. Il est le bonheur éprouvé à la vue d’un défilé militaire, à l’idée d’être membre d’un pays craint et respecté, admiré pour ses avancées technologiques, sa production artistique et intellectuelle. Aux antipodes d’un pays moqué pour l’oisiveté de ses habitants, son endettement croissant, ses grèves à répétition et ses cohortes de fonctionnaires à la productivité douteuse.

Nombre de patriotes seraient inspirés de réserver leurs complaintes pour cette image piteuse que nous renvoyons, plutôt que pour les appels salutaires à la croisade économique. Un patriote ne saurait se satisfaire de cette « drôle de guerre », planqué derrière la ligne Maginot de l’État-providence. Cet État-providence dont la remise en cause nuirait d’ailleurs davantage aux Français de papiers qu’aux Français de cœur – et de souche.

Emmanuel Todd parle de « catholiques zombies » à propos de l’électorat des dernières régions à s’être déchristianisées : consciemment laïque, « libéral, égalitaire et républicain », mais dont l’inconscient est largement déterminé par un catholicisme défunt et des valeurs « autoritaires et inégalitaires ». De même, nous pourrions parler de « socialistes zombies » pour ces ouvriers, artisans et petits commerçants qui ont l’apparence du patriote mais restent animés par la flamme du Front populaire.

Qu’est-ce que la patrie au regard des congés payés ?

Romain d’Aspremont

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