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lundi, 12 juin 2017

La Cour de justice de l’Union européenne entrave la lutte antiterroriste : normal?

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est incorrigible.

Elle avait considéré déjà, par deux arrêts en 2011 et 2012, que le séjour irrégulier d’un étranger n’était plus « un délit ». Avec superbe et désinvolture, elle avait ainsi mis à bas tout le système français « d’éloignement des étrangers » avant que, par une loi du mois de décembre 2012, notre pays autorise « la retenue administrative » d’une durée de seize heures maximum.

Elle a récidivé avec un arrêt du 21 décembre 2016 dont l’objet « était de restreindre les conditions d’accès aux données conservées par les opérateurs de téléphonie ou les fournisseurs d’accès à Internet ». Cette limitation du stockage des données personnelles – sauf en cas de menace grave – aura évidemment pour conséquence, de l’avis unanime de la Justice, de la police et du monde du renseignement, non seulement de ruiner une partie des enquêtes mais de rendre le caractère opératoire de celles-ci beaucoup plus malaisé (Le Monde).

Comment ne pas questionner la validité d’un tel arbitrage qui, au nom du droit européen, a conduit la CJUE à privilégier, si l’on veut, la pureté des principes et l’abstraction des concepts sans tenir le moindre compte des réalités nationales et des tragédies subies et douloureusement assumées par plusieurs des États membres ?

Ce n’est pas la première fois que l’on remarque que cette instance européenne semble vivre aisément les malheurs des nations qui la composent en portant sur elles un regard froid et distancié : celui d’un droit qui ne s’embarrasse d’aucun pragmatisme, même le plus honorable, pour s’installer dans un ciel des idées, dans une rectitude désincarnée.

Pour des vivants qui n’auront jamais à mourir, jamais pour des morts dont la mémoire devrait interdire qu’on facilite la tâche des tueurs.

 

Je ne parviens pas à attacher une valeur supérieure de principe à cette approche qui se flatte, au-dessus des nations, de négliger les intérêts de chacune dans un dépassement d’autant plus commode que tout ce qui est humain lui semble étranger. Pourquoi respecter davantage ce qu’une conception sectaire et dogmatique du droit imposerait plutôt qu’une synthèse en même temps lucide et responsable qui viendrait énoncer les droits prioritaires au regard des dangers gravissimes qui menacent nos pays et les rares nécessaires limites ?

J’avoue que désarmer nos démocraties à cause des surprenantes analyses de la CJUE prenant un malin plaisir à entraver, à compliquer des processus jusque-là satisfaisants me semble la pire des mauvaises surprises. Le coup vient de là où, au contraire, la sauvegarde maximale devrait être prévue et assurée.

On ne peut qu’être lassé par ce détournement européen de débats qui structurent et divisent tous les pays. Liberté ou sécurité ? Ces déviations sont d’autant plus perverses que la CJUE n’a même pas pour ambition de tenir le moins mal possible les deux bouts de la chaîne mais, au contraire, d’en lâcher totalement un seul.

Cette décision de la CJUE ne va évidemment pas mobiliser la communauté nationale mais elle ne va pas favoriser, de la part de ceux qui s’intéressent à la justice européenne largement entendue, une appétence civique plus vive, plus intense pour l’Europe, ses absurdités, sa bureaucratie. Là où les nations se battent et affrontent, la CJUE, en surplomb, donne des leçons de surcroît hémiplégiques.

La CJUE se moque du monde qui n’est pas le sien, éthéré et tranquille dans la ouate du droit.

 

 

Extrait de : Justice au Singulier

Philippe Bilger

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