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jeudi, 14 décembre 2017

Tabula Rasa

Philippe Bach

L’initiative dite «Rasa» (Raus aus der Sackgasse – Sortir de l’impasse) a été retirée mardi par ses auteurs. Ce texte proposait aux Suisses de revenir sur le vote du 9 février 2014 qui avait vu le peuple suisse accepter l’initiative de l’UDC dite «contre l’immigration de masse».

Avec un gros défaut: cet article constitutionnel ébranle tout l’édifice des accords bilatéraux. Le principe de la libre circulation faisant partie de l’ADN de l’Union européenne (UE), celle-ci n’était pas prête à accepter des mesures de contingentement, comme le proposait un peu imprudemment l’UDC.

De fait, la mise en œuvre de l’article constitutionnel du 9 février telle que votée par les Chambres il y a une année frise le code démocratique. Les députés ont certes sauvé les meubles et préservé les bilatérales en prévoyant une mise en œuvre minimaliste. En clair, en instaurant simplement des mesures de préférence nationale à l’embauche. Ce qui ne répond pas à l’initiative.

L’UDC a beau jeu aujourd’hui de crier au déni démocratique: elle a raison sur le fond. Le Conseil fédéral le reconnaissait dans un premier temps. Reste que le parti populiste a renoncé à combattre par voie référendaire cette solution bancale. Un jeu du poker menteur dans lequel le parti blochérien peut à la fois se targuer d’être un rempart contre l’immigration, tout en se dépeignant en pauvre petit Calimero brimé. Un vrai boulevard pour lui.

L’initiative Rasa avait pour elle le mérite de la clarté. Le vote du 9 février 2014 a été arraché à une très courte majorité (moins de 20 000 voix d’écart) et avec certaines forces politiques incapables de saisir l’ampleur de l’enjeu. Du coup, l’idée de proposer aux Suisses de défaire ce qui a été fait pouvait se défendre.

Reste qu’une telle démarche a été jugée trop risquée par à peu près l’entier du champ politique. Le Souverain n’aime pas revoter: le risque de creuser le fossé entre la Suisse et l’UE était par trop risqué. Le Brexit est aussi passé par là.

D’où une solution «à la Suisse», un compromis boiteux, illisible. Et dangereux. Car, au-delà du pragmatisme des initiants – dont on peut comprendre qu’ils rechignent à aller au casse-pipe sans soutien aucun –, ce retrait est une nouvelle victoire pour la droite extrême.

Le message subliminal qui restera dans le néocortex des Suisses est qu’on peut voter pour une initiative délirante et dangereuse; il se trouvera toujours quelques bonnes âmes pour mettre les mains dans le cambouis et trouver une porte de sortie qui satisfasse tout le monde ou du moins sauve la face.

Un message dangereux à quelques encablures du vote sur l’initiative «No Billag» – qui croira les messages alarmistes maintenant? – et qui va donner des ailes au populisme udéciste, guère avare en matière de propositions à même de nous exploser à la figure. Le recul peut être inévitable de mardi risque tout de même d’être amèrement regretté.

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