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vendredi, 19 janvier 2018

«En 2017, l'immigration régulière bat tous les records»

FIGAROVOX/TRIBUNE - Les statistiques sur l'immigration rendues publiques hier révèlent l'ampleur des défis qui attendent Emmanuel Macron sur cette question. Si le gouvernement n'est pas responsable de la situation actuelle, il doit en revanche le saisir à bras-le-corps et ne pas se contenter d'effets de manche.


Maurice Lachaize est le pseudonyme d'un haut fonctionnaire français.


S'il est un reproche que nul ne pourra adresser au gouvernement actuel, c'est celui de manquer de transparence sur les statistiques de l'immigration, rendues publiques le 16 janvier. De même il serait évidemment de la plus mauvaise foi de tenir l'équipe dirigeante actuelle, au pouvoir depuis six mois, pour responsable d'une situation dont elle a hérité. Il n'empêche: les dernières statistiques révèlent une situation sérieusement préoccupante. L'augmentation du nombre des demandeurs d'asile en 2017 est spectaculaire. Ils étaient 20 000 en 1997, 61 468 en 2012, et pour la première fois, plus de 100 000 en 2017. Un rapport de la Cour des Comptes d'octobre 2015 souligne que 96 % d'entre eux, même déboutés, ne repartent jamais et deviennent donc illégaux.

En outre, la hausse de l'immigration régulière, mesurée par le nombre des «premiers titres de séjour» délivrés, est tout aussi marquée. En 2017, elle bat tous les records avec 262 000 étrangers supplémentaires. Ce chiffre est dans la continuité d'une évolution de long terme: 125 000 en 1995 ; 186 116 en 2002 ; 183 893 en 2008 ; 193 655 en 2012 ; 210 940 en 2014 ; 215 220 en 2015 ; 230 353 en 2016. En 2017, tous les volets de l'immigration sont à la hausse: professionnels, familial, études et surtout humanitaire.

Cette tendance à l'augmentation se reflète nettement, sur le long terme, dans la démographie française. Le pourcentage des naissances dans les familles composées d'au moins un parent immigré est passé de 26,3 % en 2007 à 30,4 % en 2016 (Ined). En Île-de-France, 38 % des femmes ayant eu un enfant en 2015 sont immigrées (Insee). Selon la sensibilité idéologique de chacun, il est possible d'y voir un phénomène positif ou un sujet de préoccupation.

Quoi qu'il en soit, accueillir chaque année plusieurs centaines de milliers de personnes, dont beaucoup fuient la misère, constitue un lourd défi dans un pays qui compte déjà 3,5 à 6 millions de chômeurs, 8 à 9 millions de pauvres, 4 millions de mal logés, une dette publique astronomique (100 % du PIB). Cette réalité, mal prise en compte par les différents gouvernements, s'est traduite au fil des décennies par une prolifération des cités-ghettos où s'entassent une partie des migrants et leurs descendants, dans des conditions dramatiques de pauvreté, d'exclusion, de chômage, de désœuvrement, d'échec scolaire et de destruction de la cellule familiale. Ces conditions chaotiques accentuent le risque de la radicalisation, de la révolte, des trafics et de la violence.

La prolongation de la rétention administrative de 45 à 90 jours n'aura qu'un impact limité, dès lors que le pouvoir de décision en la matière est laissé au juge des libertés.

L'orientation du gouvernement, qui encore une fois n'est en rien responsable de la situation, par-delà les effets de manche, ne semble pas encore clairement arrêtée.

D'une part, il paraît anticiper sur une poursuite de ce phénomène. Dans la loi de finances de 2017, l'aide médicale d'État (la gratuité des soins dont bénéficient 300 000 migrants en situation irrégulière) est en augmentation, passant de 812 millions à 882 millions d'euros. Le dispositif national d'accueil en faveur de l'hébergement des «migrants» (souvent en situation irrégulière), qui comporte déjà 80 000 places réparties sur les régions, doit s'accroître de 7 000 places en 2018, puis d'autant en 2019.

D'autre part, il affiche, à travers son projet de loi, une intention de fermeté en matière de maîtrise de l'immigration. Pourtant, face à la gravité des enjeux, les mesures annoncées paraissent d'une portée réduite, par-delà une polémique artificielle entretenue par la presse, la gauche et le monde associatif. Ainsi, sa mesure phare, la prolongation de la rétention administrative de 45 à 90 jours, n'aura qu'un impact limité dès lors que le pouvoir de décision en la matière est laissé au juge des libertés, mal préparé à cette mission, dont le réflexe naturel est souvent de refuser une prolongation de la rétention après 48 heures. La réforme prévue ne suffira pas à améliorer de manière significative un dispositif d'éloignement paralysé par sa lourdeur (6 600 reconduites hors de l'Union européenne en 2017).

Macron et son gouvernement sont au pied du mur. Une politique d'une toute autre ampleur est nécessaire. Dans quatre ans et demi, si la situation continue à évoluer au rythme actuel, la France risque de connaître une grave crise de société autour de l'immigration et sanctionnera par son vote les dirigeants qui auraient laissé la situation se dégrader. L'affaiblissement politique du Front national n'est pas une bonne nouvelle pour le pouvoir, car il ouvre la voie à d'autres formes plus réalistes et raisonnables de contestation d'une politique mal maîtrisée d'immigration. La question n'est pas de prêcher en faveur d'une impossible et illusoire «immigration zéro». Mais de manifester, dans les faits, et pas seulement dans les gestes et les paroles, une volonté de stabiliser les phénomènes, de retrouver un niveau de flux migratoire compatible avec les capacités d'accueil et d'intégration du pays, et de prouver que l'État a bien les choses en main.

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