samedi, 27 février 2016
Mosquée de Fréjus : la loi du fait accompli s’impose-t-elle en France ?
L’affaire de la mosquée de Fréjus est présentée d’une certaine façon par beaucoup comme l’acharnement – sous-entendu islamophobe, évidemment – d’une municipalité Front national à l’encontre de la communauté musulmane, oubliant au passage que cette affaire remonte bien avant l’élection de David Rachline en 2014 à la mairie de Fréjus. Une affaire qui pose cette question : la loi du fait accompli s’impose-t-elle en France ?
En 2013, la municipalité (UMP) de Saint-Raphaël, voisine de Fréjus, porte plainte, arguant du caractère frauduleux du permis de construire accordé à l’association cultuelle El Fath par le maire de l’époque – lui aussi UMP, ne riez pas – de Fréjus. Pendant ce temps, les travaux se poursuivent et s’achèvent en avril 2015. David Rachline, maire de Fréjus, de son côté, compte tenu des doutes qui planent sur la légalité du permis de construire, refuse d’autoriser l’ouverture de l’établissement.
Le 24 novembre 2015, la justice allant moins vite que les bétonneuses, la plainte au pénal, pour laquelle entre-temps la mairie de Fréjus s’est portée partie civile, est examinée par le tribunal correctionnel de Draguignan. Le procureur requiert la démolition de la mosquée, pas moins. Immédiatement, l’on crie à la persécution. L’avocat de l’association cultuelle déclare que « ce sont des réquisitions que même en Espagne et en Andalousie au XVe siècle on n’aurait pas envisagées ». Anachronisme comme un autre, d’autant qu’en ces contrées et à cette époque, on ne devait pas s’embarrasser à encombrer les tribunaux pour ce genre d’affaire. Mais, bon, faire rimer de façon subliminale réquisitions avec Inquisition, il fallait y penser !
Parallèlement, l’association cultuelle conteste la décision de David Rachline de ne pas autoriser l’ouverture de la mosquée. De recours en recours, l’affaire est portée au Conseil d’État qui, le 23 janvier dernier, somme le préfet du Var – qui avait refusé de donner l’autorisation – de signer l’arrêté d’ouverture provisoire. Le préfet déclare alors : « J’ai une injonction du Conseil d’État. C’est un ordre pour un préfet. Je me suis exécuté. » On a connu plus enthousiaste.
Faisons un petit bilan des autorités de la République qui ont « fait des misères » à ce malheureux projet de mosquée : un maire (UMP) de Saint-Raphaël, un procureur, un préfet et, bien sûr, un maire FN de Fréjus. Cela fait tout de même pas mal de monde qui, à part le maire de Fréjus, ne fait pas allégeance au FN !
Une petite précision, tout de même. Une des raisons qui conduisirent le maire de Fréjus à s’opposer à la poursuite des travaux en 2014 résidait dans le fait que la construction ne respectait pas les dispositions du PPRI (plan de prévention des risques inondation). Un détail, me direz-vous, dans le Var… Détail, du reste, balayé du revers de la main par un communiqué de l’association cultuelle en mai 2014 : « La dernière infraction repose sur une interprétation des termes du PPRI qui interdit les établissement à “très forte vulnérabilité”. Plusieurs établissements sont désignés précisément comme étant “à très forte vulnérabilité” tels que les écoles, les centres commerciaux, les hôtels, les hôpitaux. Néanmoins, les mosquées ne figurent pas dans cette liste fixée par le PPRI. » Vu comme ça…
Alors, pour finir, la loi du fait accompli s’impose-t-elle en France ?
La justice a tranché. Le tribunal correctionnel de Draguignan a rejeté, vendredi, la demande de démolition de la mosquée de Fréjus. Il a néanmoins condamné les dirigeants de la mosquée à une peine d’amende pour irrégularités et l’ancien maire UMP à 18 mois de prison avec sursis. Le clientélisme, « ç’a eu payé »…
Georges Michel
11:31 | Lien permanent | Commentaires (0)
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