mercredi, 16 mars 2016
Audincourt : une conférence sur les dessous du vote arabo-musulman
C’EST UN PHÉNOMÈNE qui a cours aux États-Unis, où le vote des minorités afro-américaine, latino voire asiatique est décrypté à l’occasion des scrutins. Pas en France où, certes, certaines études se sont déjà appesanties sur le poids de la religion, mais pas en matière ethnique. À travers son ouvrage « Karim vote à gauche, son voisin vote FN », Jérôme Fourquet, directeur du département Opinions et stratégie d’entreprise au sein de l’Ifop, se penche pour la première fois sur l’électorat dit arabo-musulman. Décryptage en amont de l’intervention de ce spécialiste de la sociologie et la géographie, jeudi à Audincourt, en ouverture du cycle de conférences du tout nouveau Cercle Jean Jaurès.
Aux États-Unis, le poids des minorités est tout autre, certes. Mais il est à mettre en lien avec celui du communautariste. Comment, en France, un tel objet d’étude a-t-il pu émerger ?
C’est en effet dans les mœurs et les codes outre-Atlantique. En France, notre modèle républicain rendait la chose impensable, mais on voit que le sujet prend une place de plus en plus importante dans la société. Notamment à travers des élus de gauche pour lesquels la défaite des municipales s’explique aussi par la perte du vote musulman liée à la loi sur le mariage pour tous.
On a également entendu le maire LR de Marseille Jean-Claude Gaudin vanter le métissage de sa ville pour expliquer l’impossibilité que la région soit prise par le FN…
Il a effectivement annoncé que sa bonne ville comptait 250.000 musulmans. D’où sortent ces chiffres ? Cette frange de la population est devenue l’objet d’une instrumentalisation permanente.
Même de la part du FN !
Dire, comme on l’entend, que cette population arabo-musulmane voterait de plus en plus FN n’est pas vrai. Et nous l’avons démontré à travers notre étude, qui a consisté à se focaliser sur les prénoms d’origine arabo-musulmane présents sur les listes électorales. Et ce à travers deux élections, la présidentielle de 2012 et les dernières municipales sur sept villes tests (Roubaix, Mulhouse, Creil, Aulnay-sous-Bois, Marseille, Perpignan et Toulouse). C’est une méthode inédite à une telle échelle.
Jusque-là, on procédait à des analyses par quartiers. Vous allez plus loin puisque vous procédez même par bureau de vote au sein d’une même entité urbaine et sur la base d’une différenciation ethnique effectuée à partir des prénoms…
Si on prend uniquement les paramètres âge, profession et diplôme, on réduit le champ des possibles. En allant au-delà, nous affinons la notion de quartier populaire. Laquelle regroupe, en définitive, des aspects plus variés que les seules CSP (catégories socioprofessionnelles). Car selon les rues et la présence plus ou moins importante de population issue de l’immigration, les comportements électoraux divergent. À Mulhouse, par exemple, la forte proportion de prénoms arabo-musulmans a pour effet de doper le vote FN dans les bureaux limitrophes où cette proportion est inversée.
Comment vote globalement l’électorat arabo-musulman ?
Pour la présidentielle, on s’est aperçu que plus la proportion de prénoms arabo-musulmans était importante, plus François Hollande enregistrait un score élevé. Un phénomène qui se corrèle avec un fort taux d’abstention, ce qui a été particulièrement prégnant lors des municipales, où le décrochage de la gauche fut particulièrement net. À Sochaux-Montbéliard, l’ouvrier non issu de l’immigration a voté à plus de 40 % pour Le Pen au 1er tour de la présidentielle, celui issu de l’immigration récente s’est porté vers le FN à hauteur de 2 à 3 %.
Voilà en effet qui permet de mesurer les subtilités de la notion de quartier. Mais que représente, en France, l’électorat dont il est question dans votre étude ?
On estime que les personnes se déclarant de confession musulmane pèsent 4 à 5 % de l’électorat. En prenant en considération la population issue de l’immigration, nous sommes plutôt entre 6 à 8 %.
Conférence de Jérôme Fourquet, espace Gandhi à Audincourt jeudi 17 mars (20 h)
Propos recueillis par Sébastien Michaux
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