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mercredi, 13 avril 2016

Italie : l’autre face de l’immigration

Populistes et xénophobes se déchaînent, les humanistes tentent d’insuffler de l’optimisme mais l’immigration est aussi une histoire de dangers au quotidien.

Que l’immigré vienne “voler le pain de l’autochtone” ou qu’il représente un point de mirage pour ceux qui sont restés au pays, son histoire est celle d’une vie que les envois de Western union aux parents ne contribuent qu’à masquer. Certes tous les immigrés n’ont pas échappé à la mort mais il y en a beaucoup, surtout chez ceux qui sont arrivés en Europe par des chemins de traverse, pour qui le simple fait d’aller chercher du lait à la boutique du quartier constitue un véritable facteur de gros risques.

En Italie où des milliers de migrants débarquent chaque année à la belle saison, les histoires de drames par noyade en Méditerranée vont bientôt défrayer à nouveau la chronique. L’hiver a pris fin et le soleil brille ; les rafiots bricolés vont bientôt se mettre à l’eau à partir des côtes libyennes et finir au fond de la mer, même quand ils atteignent l’île principalement visée de Lampedusa. Ceux qui sont morts gisent au fond de la Méditerranée sans tombe, sans souvenir même pour leurs parents qui continuent de croire que leur enfant, frère ou mari est toujours « en voyage quelque part ». Les morts sont une chose, mais il faut aussi voir la vie des rescapés et des survivants.

Il existe, entre Caserte et Naples dans le sud de l’Italie, une zone qui symbolise la souffrance des migrants. La localité s’appelle Castel Volturno. Elle ne paye pas de mine mais elle est, pour de nombreux migrants africains, le symbole de la mort au quotidien. La mafia y règne ; elle y régente tout, tarife tout : du bidon d’eau au mètre carré où étendre un petit matelas ou installer une gazinière. La violence, psychologique et physique, y est quotidienne. Un reportage de la télévision catholique Sat-2000 a montré lundi soir que les hommes, les femmes et les enfants y sont aussi soumis à de la prostitution.

Pour l’organisation catholique Caritas qui y a porté des caméras de télévision, Castel Volturno représente « une zone grise ». La loi et l’autorité de l’Etat n’y entrent quasiment pas. Cela permet à la mafia locale, la camorra, de prospérer. Mais cela permet aussi aux autres organisations criminelles de tenter de s’y implanter. Et entre elles la lutte est féroce. Dans la logique qui veut que là où des éléphants, la première à souffrir est l’herbe qu’ils piétinent, la diaspora africaine fait les frais de ces tensions.

En 2008, un commando de la camorra a abattu sept Africains dans les rues de Castel Volturno choisis au hasard. Le motif ? La mafia locale voulait adresser une mise en garde forte à une mafia d’importation, celle des Nigérians, pour les tenir éloignés de son territoire ou, à tout le moins, l’y faire tenir tranquille. Cet épisode suscita une vague d’émotions à travers l’Italie et au-delà. Faut-il rappeler que c’est pour protester contre une telle abomination que Myriam Makeba, la « Mama Africa » programma à Castel Volturno le concert, au cours duquel elle devait trouver la mort sur scène le 9 novembre 2008 ?

Depuis lors, et quoique les assassins des « Sept de Castel Volturno » comme on les désigne aient été arrêtés et mis en prison, les choses n’ont pas beaucoup changé dans la zone. A la mafia italienne s’est superposée désormais la mafia nigériane, plus puissante que jamais. A la télévision italienne lundi, un migrant a raconté que depuis quelques jours ils étaient sans nouvelles d’un de leurs amis, Mamadou Kouassi, disparu sans laisser de traces. On craint un enlèvement ou même un assassinat par une quelconque des mafias qui y règnent et qui semblent avoir fini par tisser, entre elles, des pactes de non-agression.

Chez les Nigérians, le “business” est désormais celui de la prostitution. Lorsque la police arrête une quelconque jeune Nigériane pour racolage, l’histoire qu’elles racontent toutes est la même : « négociées » à leur famille à Benin City sous de fausses promesses d’études ou de travail, les jeunes filles sont mises de force dans la rue. Auparavant, on les soumet à une cérémonie fétichiste vaudoue, où leur sang sur des statues et leur passeport confisqué font office de garanties pour les macs. Une rébellion est un arrêt de mort ou des représailles contre la famille restée au pays.

Lucien Mpama

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