jeudi, 15 septembre 2016
“La Guillotière à Lyon, c’est vraiment Molenbeek”
Le journaliste Alexandre Mendel (Valeurs actuelles, Midi Libre, La Réforme) a été l’un des premiers à s'intéresser au départ des jeunes de Lunel pour l’État Islamique. Il publie aujourd’hui La France djihadiste (Ring), un état des lieux de l’islam radical. Une enquête de terrain au style décomplexé sur les “Molenbeek français” – où Lyon figure en bonne place – malheureusement un poil desservie par un penchant excessif pour la provocation et le pamphlet. Entretien.
Lyon Capitale : Quel a été le point de départ de votre enquête ?
Alexandre Mendel : Il a fallu attendre les attentats de novembre 2015 pour que le grand public entende parler de Molenbeek. Moi je connaissais Lunel, car je suis originaire de là-bas. Sur une ville de 25 000 habitants, 25 personnes sont parties faire le djihad. C'est le plus gros ratio d’Europe. J'ai voulu savoir s'il y avait d'autres Lunel en France. J'ai donc effectué un tour de France.
Le titre de votre livre est parfaitement explicite. Avec une punchline provocante : “En ce moment, à quinze minutes de chez vous”...
Oui, car une partie de la France soutient, au moins intellectuellement, l'État Islamique. Les experts ont du mal à savoir quelle est la ville la plus salafiste de France, entre Lyon et Marseille. Michel Younès, enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lyon, dit que c’est Lyon, il explique ça notamment parce que les communautés religieuses sont éclatées et que pour les unifier il n’y avait pas mieux que les salafistes. À Montpellier, par exemple, vous voyez beaucoup moins de salafistes, car 80 % des personnes de confession musulmane sont d’origine marocaine et ont conservé le rite malékite. A contrario, dans une ville comme Lyon, vous avez des Turcs, des Marocains, des Algériens, des Tunisiens, et une emprise salafiste très forte qui a réussi à unifier.
Si on devait croquer une carte de la France djihadiste...
En fait, on retrouverait les endroits où il y a eu le plus de perquisitions et de mosquées fermées. Il y a Lyon, Toulouse, Nice, les Hauts-de-Seine, les Yvelines...
Quand je suis venu enquêter à Lyon, on m’a raconté cette histoire de la perquisition de la salle de prière de L'Arbresle. Une semaine avant, Cazeneuve avait annoncé que les mosquées dites radicales seraient perquisitionnées. Qu’ont fait les gars de la mosquée de L'Arbresle ? Ils ont fait des sacs-poubelle pendant deux jours et ils ont attendu la police les mains dans les poches. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi les flics n’ont pas interrogé les voisins.
Vous parlez de “terre salafiste” pour évoquer le quartier de la Guillotière à Lyon... Lyon Capitale a mené une enquête sur le quartier. Il y a effectivement des poches islamiques, mais de là à généraliser un territoire entièrement salafiste...
Je ne suis pas d'accord. Là, c’est vraiment Molenbeek, avec ses salles de prière, ses librairies coraniques, ses femmes entièrement voilées. C'est même peut-être pire, car Molenbeek est assez fliqué et, à ma connaissance, la Guillotière n’est pas aussi surveillée. À la salle de prière de la rue Sébastien-Gryphe, l'imam appelle ses coreligionnaires à faire leur hijra. J’ai aussi fait beaucoup de shopping dans le Dubaï Center [une galerie marchande musulmane, NdlR] et j’ai été étonné par le nombre de bouquins interdits dans pas mal de pays arabes, dont ceux de Qaradawi [théologien de référence des Frères musulmans, recherché par Interpol, interdit d'entrée aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni, NdlR]. Il appelle à la guerre sainte et à la haine des mécréants, des Juifs en particulier. Et Dubaï Center a pignon sur rue.
Vous dites, pour conclure, que les cas sociaux c’est nous...
Le cas social, c’est de se prendre pour une victime. Nous ne sommes que des victimes, on ne répond pas. On est en temps de guerre, on fait des prisonniers de guerre ? On laisse les imams courir. Un haut gradé lyonnais de l'État Islamique comme Farid Melouk, en couverture de Lyon Capitale, pourquoi un mec comme ça reste dehors ? On est dans un état de guerre, sans réponse appropriée et proportionnée. Le jour où on arrêtera de se saouler de slogan, de larmes, de défilés, ce jour-là les djihadistes commenceront à avoir la trouille. Pour le moment, ils se marrent.
L’intégralité de cet entretien avec Alexandre Mendel est publiée sur le site partenaire Le Lanceur
Guillaume Lamy
04:11 | Lien permanent | Commentaires (0)
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