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samedi, 10 décembre 2016

« Toujours le choix » ? : la campagne anti-djihadisme pose quelques questions

 

 
Le gouvernement lance une vaste offensive pour lutter contre le djihadisme. « Toujours le choix ? » présente deux histoires réalistes, tournées en vidéo subjective : une jeune fille, séduite par un recruteur, part en Syrie ; un jeune homme, manipulé durant des mois, finit par commettre un attentat en France. Dans ce jeu de rôle, l’internaute peut à chaque étape choisir s’il écoute les propositions du recruteur ou les conseils de ses amis. Des témoignages de victimes authentiques (parents d’une jeune fille partie en Syrie, djihadiste repenti) s’intercalent dans ces séquences.
À moins qu’il ne s’agisse d’un simple coup de com’, l’opération est en elle-même inquiétante. Dans cette vidéo, en effet, un des recruteurs lâche : « Même le gouvernement nous dit qu’ils sont déjà des milliers à être partis en Syrie. » Ah… En effet, si même ce gouvernement, d’ordinaire si prompt à nier l’évidence, ne peut plus dissimuler ou minimiser le problème, c’est qu’il y vraiment le feu à la maison.

Mais alors, comment a-t-on pu laisser la société dériver au point d’avoir rendu nécessaire une campagne de prévention contre le djihadisme d’une telle ampleur ? À qui la faute si la tentation djihadiste menace, aujourd’hui, tant d’adolescents français ? Et pas seulement des Français musulmans puisque, si l’un des protagonistes de cette vidéo s’appelle Mehdi, l’autre se prénomme Emma.

Je m’interroge également sur la forme de cette campagne. D’abord, cette vidéo interactive reprend, pour séduire les adolescents, le principe des jeux de rôle dont ils sont friands. Mais elle est censée s’adresser à des esprits fragiles, déjà privés de repères. Ne risque-t-elle pas de leur faire considérer le parcours qui mène au djihadisme comme un jeu dont ils seraient les héros ? Il s’agit de retenir ceux qui ont déjà mis le doigt dans l’engrenage en montrant qu’« il n’est jamais trop tard » pour interrompre le processus.
Mais c’est aussi leur laisser croire que la machine infernale peut être aisément arrêtée tant qu’on n’est pas complètement radicalisé. Ensuite, le djihadisme y est en quelque sorte présenté comme un simple avatar de la crise d’adolescence. Certains adolescents répondraient au malaise fréquent à cet âge en partant faire le djihad, comme naguère ils fumaient des joints ou dérobaient des Ray-Ban dans un grand magasin. C’est, là, une dangereuse banalisation du djihadisme, qui prouve surtout la frilosité du gouvernement sur la question de l’islam.
 Cette vidéo comporte, d’ailleurs, une ambiguïté à mon sens significative de l’incohérence du discours officiel sur l’islam. Son slogan (« Se radicaliser, c’est détruire sa famille, sa vie et celle des autres ») présente explicitement le djihadisme comme une radicalisation de l’islam. Or, la radicalisation est le retour aux racines : le djihadisme, loin d’être une excroissance étrangère à l’islam, tiendrait donc bien au principe même de cette religion. Pourtant, on continue à nous dire que l’islam est parfaitement « compatible avec la République ». Il y a, là, quelque chose que je ne comprends décidément pas.

« Toujours le choix » ? En avril et mai prochains, les Français pourront encore choisir celui ou celle qui dirigera le pays. Ensuite, il leur faudra assumer les conséquences de ce choix pendant cinq ans.

 Christine Célérier

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