La classe politique allemande a réagi dimanche avec horreur à deux récents incidents anti-réfugiés «répugnants» dans la région de Dresde (est), dont l’incendie d’un futur foyer pour demandeurs d’asile devant des badauds manifestement ravis.

L’incendie, dans la nuit de samedi à dimanche, dont l’origine est probablement criminelle puisque des traces de produit accélérant la combustion ont été retrouvées, s’est déclaré dans un ancien hôtel qui devait accueillir en mars des réfugiés à Bautzen, à l’est de Dresde, dans l’ancienne RDA communiste.

Les dégâts sont importants mais il n’y a pas de victime, selon la police, qui était sur la piste d’éventuels auteurs.

Mais une image a frappé les esprits : celle de badauds, entre 20 et 30 personnes, manifestant une joie non dissimulée» devant le bâtiment en flammes, selon la police. Certains étaient alcoolisés, d’autres ont lancé des «propos dédaigneux», a indiqué un porte-parole à l’AFP.

Trois personnes ont même tenté de gêner l’intervention des pompiers et deux jeunes d’une vingtaine d’années, sous l’emprise de l’alcool, ont été brièvement interpellés pour s’être opposés aux forces de l’ordre, selon cette même source.

L’incendie de Bautzen est survenu après les incidents de Clausnitz, au sud de Dresde, jeudi soir, lors de l’arrivée d’un bus conduisant une vingtaine de demandeurs d’asile dans leur nouveau foyer.

Des vidéos largement diffusées sur les réseaux sociaux montrent un policier saisir un adolescent par le cou pour le sortir sans ménagement du bus, sous les cris d’une centaine de manifestants hurlant à l’adresse des réfugiés «rentrez à la maison!» ou «dehors!».

Auparavant, les manifestants avaient tenté de bloquer le bus.

L’attitude de la police a fait l’objet de critiques ce week-end, émanant notamment des partis d’opposition, les Verts et la gauche radicale Die Linke. Le chef de la police locale a défendu ses hommes, arguant que des réfugiés avaient adressé des gestes obscènes aux manifestants.

Selon la chaîne publique ZDF et un élu local Die Linke, le directeur du foyer de réfugiés de Clausnitz serait membre du parti populiste AfD («Alternative pour l’Allemagne»), qui surfe sur la crise des réfugiés et grimpe dans les sondages.

- «Inacceptable» et «répugnant» -

Les deux événements de cette fin de semaine-- les applaudissements à la vision de l’incendie à Bautzen et la manifestation anti-réfugiés de Clausnitz -- ont suscité ce week-end les réactions indignées de plusieurs membres de la coalition gouvernementale alliant conservateurs et sociaux-démocrates.

«Il est totalement inacceptable que de gens venus chercher une protection contre les persécutions soient accueillis par la haine», s’est indigné le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière.

«Ceux qui applaudissent pendant que des maisons brûlent, ceux qui effraient les réfugiés se comportent de façon atroce et répugnante», a renchérit sur son compte Twitter son collègue de la Justice, Heiko Maas.

«Les racistes (...) sont une honte pour notre pays. Honte à vous!», a twitté Michael Roth, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes tandis que Aydan Özoguz, chargée des questions d’intégration au gouvernement, a jugé que «quelque chose ne va pas en Saxe».

De fait, beaucoup des attaques commises contre les foyers de réfugiés -- un millier enregistrées en 2015 dans tout le pays -- ont en effet été commises dans cet Etat régional d’ex-RDA où l’extrême-droite est particulièrement bien implantée.

Dresde, capitale du Land de Saxe, est aussi le berceau du mouvement islamophobe et anti-réfugiés Pegida, acronyme allemand des «Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident», né à l’automne 2014.

Pegida, qui véhicule un discours de plus en radical contre les réfugiés et le gouvernement d’Angela Merkel, qu’il fustige à chacune de ses manifestations du lundi à Dresde pour avoir laisser entrer en Allemagne 1,1 de réfugiés en 2015, n’a toutefois jamais réussi à s’implanter en dehors de la Saxe.

Jeudi soir, à Clausnitz, les manifestants, qui avaient auparavant tenté de bloquer le bus, scandaient «Wir sind das Volk!» («Nous sommes le peuple!»), le slogan des manifestations contre les communistes en RDA avant la chute du Mur de Berlin à l’automne 1989, détourné plus récemment par Pegida.

Source : afp via Libération