Xavier Narvik est un juriste.
Un sondage récent, IPSOS du 22 août 2016 souligne que l'immigration est une bonne chose pour seulement 11% des Français. Ce résultat est d'autant plus frappant que l'on estime généralement que 20% des Français ont au moins un grand-père issu de l'immigration... Il est bien loin le temps où Bernard Stasi voyait dans l'immigration «une chance pour la France» dans un livre célèbre publié en 1984. Et il est vrai que l'immigration aurait pu être une véritable chance pour la France, pour des raisons économiques, démographiques et d'enrichissement mutuel. Comment a-t-on pu échouer à tel point?
Bien sûr, les beaux esprits bien pensants, à la lecture de ce sondage, vont s'empresser de fustiger la France profonde, en la qualifiant de populiste et de xénophobe. Mais de fait, quand on observe la réalité de l'immigration la plus visible, médiatisée, dans la France actuelle, comment ne pas en avoir une vision négative? Rarement une politique publique n'aura autant failli, de décennie en décennie, au point de nourrir les haines et les récupérations extrémistes à des fins électorales.
Par exemple, en six mois, les reconduites à la frontière de migrants en situation irrégulière ont diminué de 20%. Elles étaient déjà faibles, au nombre de 20 000 par an, c'est-à-dire environ un quart des décisions d'éloignement prises par les préfets. Leur nombre se réduit encore. Le pouvoir politique a sa part de responsabilité. Ainsi, la loi du 8 mars 2016 a réduit de cinq jours à 48 heures la durée de la rétention administrative qui permet au préfet, avant l'intervention du juge des libertés, de maintenir un étranger en situation irrégulière en rétention dans l'objectif de le raccompagner dans son pays. Même s'il est impossible d'évaluer d'ores et déja l'effet mécanique de cette loi, le signal politique qui a été ainsi donné aux préfets et aux forces de police n'est pas favorable à la lutte contre l'immigration illégale. Dans le contexte de la crise migratoire européenne, le message est difficilement compréhensible. Comment permettre l'intégration des étrangers en situation régulière, par le travail, le logement, l'éducation, si l'on faiblit dans la maîtrise du flux migratoire et si le droit de l'entrée et du séjour n'est pas respecté?
Le spectacle donné par le Calaisis est choquant pour tout citoyen, tout Français quelle que soit son origine, et pour tout étranger en France respectueux des lois sur l'entrée et le séjour. Un bidonville de 8000 personnes s'est installé sur le territoire français et devenu une gigantesque zone de non droit donnant lieu à des meurtres, des trafics, des violences, des conditions de vie insalubres. Les autorités de l'État en sont responsables depuis 1999. Elles l'ont laissé se constituer sans prendre les mesures nécessaires au niveau du contrôle des frontières et des mesures de respect de l'ordre public. Derrière ce renoncement, c'est la République qui a été atteinte de plein fouet. Et les seuls bénéficiaires de cet état de fait? Les partis extrémistes, de droite et de gauche, qui se nourrissent de ce drame.
À l'approche des élections, on parle de démanteler la jungle en relogeant les migrants qui s'y trouvent. Cette idée est tout à l'honneur des autorités: ne pas laisser des personnes, dont des enfants, dans la rue ou dans des bidonvilles. Pourtant, on avait compris que leur seul objectif était de passer en Grande-Bretagne à tout prix. Dès lors, quel est l'intérêt de leur fournir des appartements qu'elles s'empresseront de quitter? D'ailleurs, quels appartements, en quel lieu et à quel coût pour les finances publiques? S'ils sont réfugiés, dans l'hypothèse où ils ne peuvent pas retourner dans leur pays sans y encourir de menace, il convient, au titre de la Convention de Genève ou de la protection subsidiaire, de leur accorder un titre de séjour et les prestations auxquels ils ont droit. Mais s'ils sont dans l'illégalité et ne demandent pas l'asile ou une autre protection à la France, il existe des lois internationales, européennes et françaises qui exigent qu'ils retournent dans leur pays. Et la mission de l'État, qu'il soit gouverné par la gauche ou par la droite, est de faire respecter le droit. On ne peut pas laisser des personnes sur le territoire de la République sans aucune existence juridique. «Qui veut faire l'ange fait la bête» écrivait Pascal. Les étrangers en France sont les premières victimes du renoncement à faire appliquer le droit. Et le vote extrémiste en est le premier bénéficiaire.