Au surlendemain de l’attaque de Munich, la question du contrôle des armes a resurgi dans le débat public.
Elle a le visage fermé en arrivant dans le foyer de la chancellerie. D'habitude, Angela Merkel tient ici des conférences de presse avec les chefs d'Etat ou de gouvernement. Ce samedi à 14h30, la chancelière est seule. Seule face à une nation en deuil, qui sort d'une « nuit d'horreur » durant laquelle un jeune forcené germano-iranien a tué neuf personnes à Munich.
« Nous tous, et je le dis au nom de l'ensemble du gouvernement, pleurons avec le coeur lourd ceux qui plus jamais ne rentreront dans leurs familles », déclare Angela Merkel. Elle sort tout juste d'un conseil de sécurité convoqué en urgence la veille au soir, alors que la police munichoise évoquait une « situation terroriste » et craignait d'avoir affaire à une attaque multiple et coordonnée.
La piste du « tueur fou » privilégiée
Entre temps, l'auteur de la fusillade s'est donné la mort et l'hypothèse d'un acte terroriste a cédé la place à celle d'un « tueur fou ». Selon la police, le jeune tireur s'était intéressé de manière « intensive » à Anders Behring Breivik, le terroriste norvégien d'extrême droite qui avait tué 77 personnes lors d'un attentat le 22 juillet 2011. Il y a cinq ans jour pour jour.
Pas question pour Angela Merkel d'annuler le conseil de sécurité sous prétexte que l'hypothèse terroriste se dissipe. Comme son pays, celle qu'on surnomme « Mutti » est bouleversée par « tant de terribles nouvelles en si peu de jours » : l'attentat de Nice, qui a fait 84 morts le 14 juillet, l'attaque à la hache à Wurtzbourg par un réfugié afghan, le 18 juillet, revendiqué par l'Etat islamique.
Comme la police, le gouvernement a lui aussi redouté que l'auteur de l'attaque ne prolonge cette série infernale. Que l'Allemagne, jusqu'ici largement épargnée, allait à son tour basculer dans le règne de la terreur. Il n'était pas seul. Dans la nuit, Barack Obama a promis aux autorités allemandes « tout le soutien dont elles ont besoin ». Et François Hollande a dénoncé « une attaque terroriste ».
Angela Merkel, qui a dû interrompre ses vacances, a laissé les autres prendre la parole. Et si certains médias saluent la réserve dont elle a fait preuve, d'autres lui reprochent au contraire d'être intervenue trop tard - 20 heures après la fusillade. Mais alors que le parti populiste AfD a sauté un peu tôt sur la thèse terroriste, la prudence de la chancelière s'avère d'une grande sagesse.
Le débat sur la sécurité relancé
Terrorisme ou pas, le débat sur la sécurité est toutefois relancé. Samedi, le ministre président de Bavière a annoncé qu'il allait renforcer les moyens de la police de son Land dans le cadre du budget 2017. « Nous allons montrer plus de présence visible de nos forces de l'ordre », a annoncé Horst Seehofer, par ailleurs président de la CSU bavaroise, allié de la CDU d'Angela Merkel.
Jugeant trop tôt pour évoquer une restriction des ventes d'armes, le ministre de l'Intérieur a lui jugé nécessaire de débattre sur la violence des jeux vidéo sur Internet. « Ceci doit être davantage discuté au sein de la société », a déclaré Thomas de Maizière. Enfin, la ministre de la Défense Ursula von der Leyen a envisagé l'intervention de la Bundeswehr sur le territoire intérieur en cas d'alerte terroriste.
Apparemment plus rassurante qu'un attentat terroriste, la piste du forcené privilégiée par les enquêteurs n'est pas nécessairement plus simple et pourrait susciter d'autres questions. Le jeune tueur de 18 ans souffrait d'une « forme de dépression » et suivait un traitement, selon Hubertus Andrä, préfet de police de Munich, qui a écarté tout lien avec l'Etat islamique.
Déterminer le motif de la tuerie
Selon Thomas de Maizière, le jeune homme aurait subi des formes de harcèlement de ses camarades. Il a probablement piraté le compte Facebook d'une fille en promettant à certaines personnes des promotions dans le McDonald's du centre commercial du village olympique, où il a commis son carnage. Les victimes ont essentiellement entre 14 et 20 ans.
Leur nationalité laisse perplexe, incluant trois Turcs et trois Kosovars. Le tireur déséquilibré germano-iranien, qui semble s'être converti au christianisme, selon le ministre de l'Intérieur, avait-il un motif politique ou religieux ? Pour le procureur de Munich, Thomas Steinkraus-Koch, il s'agit d'un « acte classique d'un forcené » pris d'une crise de folie meurtrière, « sans motivation politique ».
Thibaut Madelin, correspondant à Berlin