Toutes les embarcations sont parties des côtes libyennes, alors que les migrants proviennent de divers pays africains. Cette recrudescence de l’immigration clandestine rappelle le besoin de mettre fin à ce fléau, insiste la ministre italienne de la Défense, Roberta Pinotti, qui n’a cessé de soulever ce problème durant les six derniers mois. Mais en Libye, il ne semble pas qu’il y ait un pouvoiren place pouvant prendre en charge une telle tâche.
Absence d’autorité
Du côté libyen, s’il est vrai qu’il y a eu quelques rétentions d’embarcations, le compte ne dépasse nullement les doigts de la main, alors que le mouvement est très étendu. Ainsi, le porte-parole des garde-côtes libyens, le colonel-marin Ayoub Kacem, a rapporté que ses unités ont bloqué, lundi dernier, au large de Sabratha dans les eaux territoriales libyennes, 8 bateaux pneumatiques transportant un millier d’immigrés clandestins originaires de plusieurs pays africains.
Ayoub Kacem a révélé que ce sont les Italiens qui leur ont fourni les informations concernant ces embarcations. Les immigrés clandestins ont été dirigés vers le centre de détention situé au nord de Sabratha. Mais, «ils seront libérés dans les 24 heures, faute d’assistance en tous genres», assure un citoyen, présent sur place, à El Watan.
Pour le correspondant de l’agence Dune-voices à Ezzaouia, ces arrestations se font uniquement pour appliquer les requêtes lancées par les services étrangers. Mais il suffit de relever que les garde-côtes italiens et Médecins sans frontières ont participé à une quinzaine d’opérations de sauvetage dimanche 22 mai et à 23 autres opérations, avant-hier, mardi 24 mai pour comprendre que les côtes libyennes sont très poreuses, de Tripoli à Zouara en passant par Ezzaouia, Sormane et Sabratha.
Le journaliste souligne toutefois que les choses ont évolué juste dans la forme. «Aujourd’hui, tu ne peux plus rencontrer des intermédiaires de passeurs dans les cafés, ni des ateliers de réparation de bateaux pneumatiques en pleine rue, comme ce fut le cas il y a une année. Mais, il suffit de demander et d’exprimer de l’intérêt pour cette traversée pour que des gens viennent vers toi. Le tarif varie entre 2500 et 4000 dinars libyens (700 et 1100 euros), selon les départs», explique-t-il. Il insiste sur le fait que «ce trafic est très juteux pour les réseaux qui l’organisent et les milices qui les protègent».
«Opération Sophia»
Cette reprise des traversées interpelle sur l’efficacité de l’opération Sophia (Eunavfor Med), lancée par l’Union européenne durant le deuxième semestre de 2015. Un premier bilan de cette opération signale une légère diminution du nombre de traversées en 2015 (-9%) par rapport aux années précédentes, ainsi qu’une réduction du nombre de morts qui a chuté de presque 2% des passages à moins de 0,1%.
Le même rapport affirme également que la liberté de manœuvre des passeurs est maintenant limitée aux eaux territoriales libyennes. Autre remarque, depuis trois mois, «on n’a pas observé de départs avec des navires en bois, uniquement des dinghis», explique-t-on à Eunavfor. Ainsi, sur les 90 navires détruits par Eunavfor, environ 20 étaient des bateaux en bois. Auparavant, on voyait les navires réutilisés plusieurs fois, remorqués et réparés pour resservir. «Cela ne s’est jamais reproduit après octobre.
Il y a clairement un manque de capacités de bateaux en bois en Libye. Les pêcheurs qui les utilisent les gardent pour leurs propres activités et les protègent davantage contre les vols possibles par les trafiquants.» Mais, il est clair que le fléau d’immigration clandestine reste très fleurissant en raison de l’absence d’arrestation des véritables responsables. Cependant, le rapport souligne que les arrestations restent limitées. Même si l’opération Eunavfor peut se targuer d’avoir contribué à faire arrêter 53 personnes, cela reste assez limité.
Souvent, ce ne sont que de seconds couteaux, des «facilitateurs» c’est-à-dire des migrants à qui on a appris en deux minutes à faire fonctionner un téléphone d’urgence ou à piloter le moteur, plutôt que des trafiquants ou des passeurs. «On n’est pas autorisé pour l’instant à remonter à la source, c’est-à-dire à coincer ceux qui organisent le trafic. On ne peut les arrêter que pris sur le fait, ‘‘la main dans le pot de miel’’», regrette un officier. L’immigration clandestine a encore de beaux jours devant elle en Libye, tant qu’il n’y a toujours pas d’autorité dans ce pays.