Le statut entièrement privé de l’établissement rend toutefois « impossible » un audit de ses programmes.
Prière à la mosquée de l’Institut européen des sciences humaines (IESH), le 11 février 2015, Saint-Leger-de-Fougeret (Nièvre). / PHILIPPE DESMAZES/AFP
Dans un courrier daté du 11 décembre et adressé au préfet de Saône-et-Loire, le maire (divers gauche) d’Autun, Rémy Rebeyrotte, a demandé la fermeture « le plus rapidement possible » de l’Institut européen des sciences humaines de Saint-Léger-de-Fougeret (Nièvre). Selon le Journal de Saône-et-Loire qui rapportait l’information lundi 15 février, l’élu aurait motivé sa demande par le « rôle particulièrement néfaste dans la radicalisation des jeunes en Autunois Morvan » joué par cet institut.
De son côté, le directeur de l’établissement, Zuhair Mahmood, s’étonne – dans les colonnes du même journal – de cette volonté de faire fermer « comme ça, sans fait, sans preuve » un institut délivrant un diplôme « très recherché » par les mosquées, et indique son souhait de porter plainte si le maire « fait état publiquement de sa demande ».
Mardi 16 février, le maire d’Autun a demandé au Journal de Saône-et-Loire de publier un droit de réponse, regrettant en préambule la publication dans la presse locale d’« une note ou (d’) un courrier confidentiel au préfet ».
Lois et règles de notre République
« Oui, comme je l’ai fait depuis plus de dix ans à plusieurs reprises, j’ai demandé une nouvelle fois un audit précis sur l’Institut européen des sciences humaines de Saint-Léger-de-Fougeret installé dans la Nièvre, pour vérifier qu’en permanence, quels que soient les formateurs présents, la formation est bien conforme aux lois et règles de notre République », écrit-il.
« Depuis dix ans, je n’obtiens pas de réponse claire sur un audit et ses conclusions. Je me suis donc permis, une nouvelle fois, en décembre dernier, de demander à l’État de clarifier les choses et de vérifier si, en toutes périodes, la formation dispensée à l’Institut est bien compatible avec les lois et règles fondamentales de notre République », indique le maire d’Autun dans son droit de réponse.
« Difficile pour ne pas dire impossible »
Interrogé à ce sujet, un spécialiste du droit des cultes qualifie de « difficile, pour ne pas dire impossible » l’hypothèse d’« un audit » dans un établissement d’enseignement supérieur entièrement privé. « L’enseignement supérieur est libre. Seule pourrait être sanctionnée une infraction au droit commun, que ce soit un discours appelant à la haine ou à la violence – souvent difficile à prouver – ou le non-respect des règles relatives aux établissements recevant du public », explique-t-il.
« C’est la limite, ou l’avantage, de notre droit », rappelle ce spécialiste, tout en précisant qu’il n’exclut pas, en revanche, un dialogue régulier entre les pouvoirs publics et les responsables d’un tel institut.
Une autre possibilité, pour permettre « un droit de regard extérieur », serait l’établissement d’une convention entre une université publique et l’IESH, permettant à ses étudiants en arabe par exemple de passer un diplôme national.
« Bienfaiteurs du Golfe »
Inauguré en 1992, l’IESH a été créé par l’Union des Organisation Islamiques de France, branche française des Frères musulmans et membre historique du Conseil français du culte musulman, « en association avec des penseurs, des chercheurs, des théologiens », précise son site Internet. Selon ce dernier, « dès l’an 2000, l’Institut accueillait 120 étudiants en résidentiel auxquels il convient d’ajouter 200 étudiants par correspondance ».
« Pendant toutes ces premières années, l’IESH fut principalement financée par des bienfaiteurs de la région du golfe arabo-persique. À partir de la fin du siècle, les financements en provenance du Golfe se tarirent », affirme encore le site.
L’Union des organisations islamiques de France a été le centre d’une polémique début février à l’occasion du rassemblement annuel de sa branche installée dans le Nord de la France : trois orateurs accusés par certains responsables politiques d’être des « prêcheurs de haine » ont été « déprogrammés en réponse à la polémique et dans un souci d’apaisement », à la demande du président de l’UOIF, Amar Lasfar.